Publié le
2/9/2025

REMED

La REMED est bien plus qu'une simple procédure ; c'est une approche systémique et pédagogique visant à analyser les erreurs a posteriori pour en tirer des enseignements collectifs.

La REMED : une méthode essentielle pour l'amélioration de la qualité et la sécurité des soins médicamenteux

La sécurité des patients est une priorité absolue dans le domaine de la santé. Au cœur de cette préoccupation se trouve la gestion des risques liés aux médicaments et aux dispositifs médicaux associés, un domaine où les erreurs peuvent avoir des conséquences dévastatrices. Face à ce défi, la Revue des Erreurs liées aux Médicaments Et Dispositifs associés (REMED) émerge comme une méthode fondamentale. Développée par la Société Française de Pharmacie Clinique (SFPC), la REMED est bien plus qu'une simple procédure ; c'est une approche systémique et pédagogique visant à analyser les erreurs a posteriori pour en tirer des enseignements collectifs et mettre en œuvre des actions d'amélioration concrètes. Cet article explore en profondeur la REMED, de sa définition à son application pratique, en passant par son histoire, son périmètre et les outils qu'elle met à disposition des professionnels de santé pour bâtir une culture de sécurité durable.

Qu'est-ce que la REMED et son importance

La REMED (Revue des Erreurs liées aux Médicaments Et Dispositifs associés) est une démarche d'amélioration continue de la qualité des soins et de prévention du risque iatrogène médicamenteux. Son équivalent anglo-saxon est le "Review of Errors in MEDication". Cette méthode concourt à optimiser l'organisation de la prise en charge thérapeutique des patients où le médicament et, le cas échéant, le dispositif médical associé sont utilisés. L'expression "Revue des erreurs médicamenteuses" est également couramment employée.

La REMED est une démarche structurée d'analyse a posteriori de cas d'erreurs médicamenteuses rendus anonymes. Elle se distingue par son approche collective, pluriprofessionnelle et systémique. Son objectif principal est de concevoir et de mettre en œuvre des actions de réduction des risques liés à la prise en charge médicamenteuse des patients.

Une erreur médicamenteuse est définie comme l'omission ou la réalisation d'un acte non intentionnel survenu au cours du processus de soins impliquant un médicament, qui peut être à l'origine d'un risque ou d'un événement indésirable pour le patient (selon l'AFSSAPS 2010). La SFPC (2006) ajoute qu'une erreur médicamenteuse est un écart par rapport à ce qui aurait dû être fait, et est donc, par définition, évitable.

La REMED est cruciale car la prise de conscience de la nécessité de gérer les risques sanitaires, notamment ceux liés aux erreurs, s'affirme progressivement chez les professionnels de santé, malgré la difficulté d'y faire face publiquement. L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a rappelé en mars 2002 que plus de 75% des causes d'erreurs en santé sont d'origine systémique. En France, la loi de Santé Publique du 9 août 2004 a érigé les événements indésirables graves, particulièrement ceux liés aux produits de santé, en problème de santé publique. Des rapports récents (Costagliola & Bégaud 2013) estiment entre 10 000 et 30 000 décès annuels en France attribuables aux médicaments. Une très grande partie de cette iatrogénie médicamenteuse est pourtant évitable car associée à une erreur. La Haute Autorité de Santé (HAS) impose aux établissements de santé une politique de gestion des risques sanitaires dès la première démarche de certification. Dans ce contexte, la REMED, en tant que méthode fille validée des revues de morbi-mortalité par la HAS, devient un outil indispensable.

L'analyse systémique menée lors de la REMED prend en compte tous les éléments organisationnels, techniques et humains de la prise en charge médicamenteuse d'un patient. Elle permet de dépasser la seule réflexion centrée sur les individus et de tirer des enseignements sur les forces et les vulnérabilités du système de soins. En réfléchissant collectivement a posteriori sur le processus, la REMED permet de caractériser les erreurs, d'identifier les défaillances, d'analyser ces situations de "non qualité" de manière transparente et non culpabilisante, de rechercher les causes profondes et de proposer des actions d'amélioration. Il s'agit de décrire les faits et d'analyser les situations pour comprendre, apprendre et agir collectivement, renforçant ainsi la qualité et la sécurité des soins. La considération des personnes impliquées comme des "personnes ressources" pour l'amélioration, sans jugement de valeur, est indispensable au succès et à la pérennité de la démarche.

L'histoire et la reconnaissance de la REMED : un outil validé par des experts

L'engagement de la Société Française de Pharmacie Clinique (SFPC) dans la lutte contre l'iatrogénie médicamenteuse remonte à plus de dix ans. C'est dans ce cadre qu'un groupe de travail spécifique, animé par le Dr Edith Dufay, a été mis en place. Dès 2008, ces professionnels experts et de terrain ont proposé une première version de la méthode REMED.

La reconnaissance de la REMED s'est accélérée grâce à des collaborations stratégiques. En 2007, la REMED a été retenue comme thème de travail en partenariat avec deux autres sociétés savantes : la Société Française de Gériatrie et de Gérontologie (SFGG) et la Société Française de Gestion des Risques en Etablissement de Santé (SOFGRES). Une méthode DELPHI a été utilisée pour définir et formaliser la méthode et ses outils.

Un tournant majeur a été l'étude multicentrique MERVEIL (Méthode d'Évaluation de la Revue des Erreurs et de leur Iatrogénie liées aux Médicaments), menée sous l'égide de la SFPC. Cette étude, conduite de 2009 à 2011, a impliqué les professionnels de 77 établissements de santé en France, Belgique et Luxembourg. Elle a eu pour objectif d'évaluer et de valider la REMED en tant que méthode d'évaluation des pratiques professionnelles. Les résultats de l'étude MERVEIL ont non seulement validé la REMED, mais l'ont aussi positionnée comme la méthode de référence pour l'analyse a posteriori des erreurs médicamenteuses.

Les enseignements tirés de l'étude MERVEIL ont permis de proposer, en 2013, une seconde version de la REMED, plus facile à appliquer et en cohérence avec d'autres méthodes de gestion des risques. Le manuel de cette version 2.0 a été publié en 2014.

La reconnaissance institutionnelle n'a pas tardé : en 2012, la REMED a été reconnue par la Haute Autorité de Santé (HAS) comme l'une des méthodes listées dans le cadre du Développement Professionnel Continu (DPC). La HAS l'a également retenue comme une "méthode fille validée" des revues de morbi-mortalité.

Aujourd'hui, la REMED est considérée comme un outil indispensable pour évaluer et améliorer la prise en charge sécuritaire des patients traités par des produits de santé. Son approche pluridisciplinaire, développée avec des professionnels experts et de terrain, prend en compte tous les éléments organisationnels, techniques et humains de la prise en charge médicamenteuse. Elle propose la mise en place collective d'actions d'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins, s'inscrivant ainsi pleinement dans l'organisation des établissements de santé en matière de management des risques médicamenteux.

Le succès de la REMED est le fruit d'un élan et d'un effort collectif, souligné par les présidents de la SFPC, le Pr Marie Claude Saux et le Pr Rémi Varin. De nombreux contributeurs, notamment Edith Dufay, ainsi que les membres des groupes de travail, rédacteurs et relecteurs, ont participé à sa conception et son évolution. Le soutien constant de la HAS et de diverses instances et sociétés collaboratrices a été essentiel. La SFPC a mis cet ouvrage gratuitement à la disposition de la profession, témoignant de la fierté collective pour ce travail.

Le périmètre d'investigation de la REMED : quels événements sont ciblés ?

La REMED se concentre spécifiquement sur les événements indésirables évitables. Ce sont des événements qui ne seraient pas survenus si les soins avaient été conformes à une prise en charge considérée comme satisfaisante au moment de leur apparition. Le domaine d'application de la REMED couvre les erreurs médicamenteuses et/ou les dommages observés chez les patients comme conséquences de ces erreurs.

Plus précisément, les erreurs médicamenteuses sont des événements redoutés qui perturbent l'activité de soins, réduisent le niveau de sécurité et peuvent nuire au patient, car elles s'écartent des recommandations ou procédures. Elles englobent les erreurs actives des professionnels, les erreurs latentes dans l'organisation et le travail d'équipe, les défaillances techniques, les dysfonctionnements systémiques, ainsi que les défauts des produits de santé, souvent en présence de facteurs favorisants ou déclenchants. Ces éléments constituent en soi des événements indésirables.

Les dommages sont les conséquences que ces erreurs génèrent ou sont susceptibles de générer chez le patient. Ils peuvent prendre plusieurs formes cliniques :

  • Aggravation d'une pathologie existante ou absence d'amélioration attendue de l'état de santé.
  • Survenue d'une nouvelle pathologie, par exemple une infection nosocomiale suite à une antibioprophylaxie mal conduite, ou une décompensation cardiaque due à l'oubli d'un traitement diurétique.
  • Altération d'une fonction de l'organisme, ou un effet indésirable/réaction nocive causée par un ou des médicaments pris par le patient.

Certaines de ces conséquences sont considérées comme graves lorsqu'elles entraînent une incapacité ou un handicap (temporaire ou permanent), un préjudice physique, moral ou psychique, une mise en jeu du pronostic vital, un décès, ou une anomalie/malformation congénitale.

Il est essentiel, selon la REMED, de bien distinguer, lorsque l'expression "événement indésirable" est utilisée, entre les faits (l'erreur médicamenteuse elle-même, ou medication error and patient safety incident) et leurs conséquences (le dommage survenant chez le patient, ou adverse drug event and adverse drug reaction).

Au-delà des dommages pour le patient, une erreur médicamenteuse peut également avoir des conséquences organisationnelles et/ou institutionnelles. Pour le patient, cela peut signifier la mise en place d'un traitement correcteur, une surveillance accrue, un transfert en unité de soins intensifs, en réanimation, en centre de dialyse ou vers un autre établissement, une prolongation d'hospitalisation, ou l'hospitalisation d'un patient ambulatoire ou résident. Pour la structure de soins, les conséquences peuvent être économiques, financières, sociales (liées au personnel de santé), juridiques ou médiatiques. Les sources fournissent des exemples concrets, tels qu'un surdosage de méthotrexate entraînant le décès d'une patiente (Exemple 1), ou une omission de prophylaxie thrombo-embolique conduisant à une phlébite (Exemple 2). Des cas sans conséquence clinique grave pour le patient, comme l'injection IV d'un comprimé écrasé mais interceptée avant dommage (Exemple 3), ou une erreur de posologie interceptée par le pharmacien (Exemple 4), sont également des événements pertinents pour la REMED.

La REMED ne couvre pas certains types d'événements. Sont exclus les événements indésirables liés à l'évolution spontanée de la pathologie du patient et les effets indésirables du médicament liés à ses propriétés pharmacologiques intrinsèques. De même, les événements liés au comportement addictif (ex: usage de stupéfiants par des toxicomanes) ou à l'utilisation abusive/détournement d'un produit de santé (ex: usage d'érythropoïétine par des sportifs) sont écartés en raison de leur caractère intentionnel.

Il est important de rappeler que les événements indésirables liés aux produits de santé doivent être déclarés aux organisations gérant les vigilances sanitaires réglementaires (pharmacovigilance, matériovigilance) en raison de leur impact possible sur la commercialisation. Les erreurs médicamenteuses spécifiques sont à déclarer au Guichet des erreurs médicamenteuses de l'Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM).

La prise en charge médicamenteuse : un processus complexe au cœur de la REMED

La prise en charge médicamenteuse du patient est un processus d'une grande complexité, qui est souvent l'un des moins bien organisés dans les établissements de santé, comme l'ont montré les résultats des premières démarches d'accréditation et de certification de la HAS. C'est pourquoi l'analyse collective interdisciplinaire menée au cours d'une REMED adopte une approche par problème affectant la qualité des résultats de soins. Elle cible le processus et les interfaces relatifs à la prise en charge médicamenteuse des patients (hospitalisés, résidents ou ambulatoires) où une erreur est survenue.

Ce processus se décline généralement en cinq étapes majeures :

  1. Le diagnostic de la pathologie, avec la définition des objectifs thérapeutiques, le choix d'une stratégie thérapeutique, puis la prescription des médicaments et autres soins.
  2. La dispensation du ou des médicament(s) et la délivrance, si nécessaire, du dispositif associé.
  3. L'administration et la prise du médicament par le patient.
  4. Le suivi thérapeutique du patient, incluant la réévaluation de la balance bénéfices/risques.
  5. L'information du patient.

Cette complexité est due à plusieurs facteurs :

  • La diversité des pathologies, leur degré d'urgence et de gravité.
  • La diversité des thérapeutiques disponibles.
  • La diversité des profils de patients.
  • L'intervention de différents acteurs de santé dont les rôles sont complémentaires.
  • L'enchaînement de nombreuses étapes qui se réalisent en des lieux géographiquement différents.
  • La superposition d'un réseau de communication informelle au circuit régulier et formalisé de l'information pour faciliter la coordination des tâches.

Malgré les efforts, les erreurs médicamenteuses sont d'occurrence élevée. Lorsqu'un événement indésirable survient et qu'un professionnel ou le patient en prend conscience, une réaction immédiate se produit. Celle-ci associe, dans un ordre variable, la détection des causes immédiates, l'interruption de l'acte erroné et la mise en œuvre de mesures pour récupérer la situation ou atténuer les conséquences chez le patient. Cependant, le processus s'arrête souvent à ce stade, sans recherche systématique des causes profondes, remise en question des organisations ou partage d'expérience. La REMED vise précisément à pallier ces lacunes.

Le document détaille l'enchaînement des comportements suite à un événement indésirable en six phases :

  1. Interprétation : Le patient ou le professionnel est interpellé par un fait inhabituel ou une anomalie.
  2. Interrogation : Le professionnel s'interroge, tente de retracer la chronologie et d'analyser les événements.
  3. Détection : La cause est identifiée, permettant une réaction appropriée.
  4. Interception : Le professionnel intervient pour interrompre le processus erroné, avant ou après la survenue d'un dommage.
  5. Récupération : Tentative de rattraper la situation chez le patient, dont le succès dépend de la rapidité de la détection, la dangerosité du médicament, la gravité de l'événement, l'expérience des professionnels, la sensibilisation au risque, la qualité du travail d'équipe et la performance des organisations.
  6. Analyse : Le professionnel inventorie les causes immédiates. Cette analyse est rarement formalisée ou systématique et s'arrête souvent à l'erreur médicamenteuse elle-même, sans chercher les causes profondes.

La REMED s'inscrit comme la réponse à cette dernière étape, en proposant une méthode pour une analyse approfondie et collective, essentielle pour identifier les vulnérabilités du système et mettre en place des actions d'amélioration durables.

Organisation pratique de la REMED : mettre en place une démarche efficace

La mise en œuvre d'une REMED est une démarche structurée qui s'intègre pleinement dans la politique d'amélioration continue de la qualité des soins de toute structure, qu'il s'agisse d'un établissement de santé, médico-social, d'un pôle, d'un service, d'une unité de soin ou d'une structure de soins primaires. Elle concerne l'ensemble des secteurs d'activité participant à la prise en charge thérapeutique des patients avec utilisation d'un produit de santé.

Un aspect fondamental de l'organisation de la REMED est l'accompagnement des professionnels de santé. La direction de l'établissement doit porter un réel changement de comportements et d'organisations pour promouvoir une culture de sécurité. Pour faciliter l'implication des professionnels dans le signalement des événements, il est crucial de professionnaliser la gestion des risques, de rendre le dispositif de signalement visible et de diffuser une charte définissant la position de la direction à l'égard des personnels impliqués dans ou ayant signalé une erreur. Un soutien psychologique doit être proposé aux personnels impliqués dans un événement indésirable grave, l'objectif étant de transformer le sentiment de culpabilité en une force morale les amenant à se considérer comme des personnes ressources pour éviter les récidives.

Pour démarrer, l'organisation de la REMED est confiée à un professionnel de santé volontaire, familiarisé avec la méthode et reconnu par ses pairs. Un règlement intérieur, adapté à l'établissement et décrivant l'organisation et le fonctionnement de la REMED, doit être élaboré et diffusé à tous les professionnels concernés.

Le repérage des cas utilise les méthodes habituelles de recherche et détection en gestion des risques et épidémiologie. Cela inclut les signalements d'erreurs médicamenteuses au sein de l'établissement, l'observation directe des pratiques de soins, l'étude programmée de dossiers patients, l'enregistrement continu d'indicateurs relatifs aux erreurs ou à l'iatrogénie, et la surveillance d'événements sentinelles (comme le transfert en soins intensifs, la ré-hospitalisation non programmée ou les décès).

La sélection des cas privilégie les erreurs médicamenteuses "porteuses de risque", interceptées ou non, qui ont eu ou auraient pu avoir des conséquences cliniques importantes pour le patient. Les cas éligibles peuvent inclure des "never events" listés par l'ANSM, des erreurs associées à un type de prise en charge (anesthésie), une classe thérapeutique (anticoagulants), une voie d'administration (intrathécale), une population (sujet âgé, enfant), une étape du circuit du produit (délivrance, administration), ou un secteur d'activité (chirurgie, pharmacie).

La REMED est un travail d'équipe pluridisciplinaire. Les participants typiques sont des prescripteurs, pharmaciens, préparateurs en pharmacie, infirmiers, et cadres de santé. D'autres professionnels peuvent être invités selon les cas étudiés, et les professionnels directement impliqués dans l'erreur peuvent participer si on le leur propose. La pluridisciplinarité est impérative, nécessitant la présence d'au moins un représentant du corps médical, pharmaceutique, infirmier et des préparateurs en pharmacie. La confidentialité est de rigueur pour tous les participants.

Un animateur est désigné par le groupe de réflexion pour mener la REMED. Ses missions sont d'organiser les séances, rédiger les comptes rendus, animer les débats, formaliser l'analyse du cas et assurer la liaison avec les instances de l'établissement pour le suivi des actions d'amélioration. Il est recommandé de confier ce rôle à un praticien senior volontaire, ayant une formation à l'analyse de cas et des qualités relationnelles (écoute, empathie, rigueur, impartialité).

La traçabilité et l'archivage sont essentiels. Un compte rendu standardisé et anonymisé, ainsi qu'un plan d'actions d'amélioration, sont rédigés et communiqués aux participants. Un bilan annuel d'activité est établi, et l'ensemble des documents est conservé dans les documents qualité de la structure. La diffusion de l'information doit être ciblée : une information complète pour le personnel concerné par l'événement, et une information plus stratégique, centrée sur les actions d'amélioration, pour les destinataires institutionnels.

Un retour d'expérience structuré est organisé, s'appuyant sur le bilan annuel des erreurs signalées et sur le programme d'amélioration de la prise en charge médicamenteuse. Des outils complémentaires sont mis à disposition, comme le tableau de suivi des erreurs médicamenteuses et le programme Med'Seth pour le suivi des actions d'amélioration. Le scénario 5C, qui schématise l'enchaînement des causes et conséquences d'une erreur médicamenteuse, est également un outil pédagogique clé.

Conduire une séance de REMED : un processus structuré en étapes clés

La conduite d'une séance de REMED s'inscrit dans le modèle d'amélioration continue PDCA (Plan, Do, Check, Act) de W. Edwards Deming. L'analyse collective d'une erreur (ou série d'erreurs analogues) s'appuie sur le classeur de la REMED, dont l'outil pivot est le cahier de la REMED.

Voici les sept étapes structurées pour une conduite efficace d'une REMED :

Étape 0 : Avant la réunion (PLAN)C'est la phase de préparation minutieuse. Elle inclut la planification logistique de la réunion, l'établissement d'un ordre du jour anonymisé. Il faut créer un classeur de la REMED spécifique au cas traité, débuter l'enregistrement des informations, rassembler la documentation scientifique pertinente, et, si nécessaire, conduire des entretiens avec les personnes concernées. L'accompagnement des personnes impliquées et la proposition de participation à la REMED sont essentiels pour une approche non-culpabilisante. Enfin, il s'agit de collecter tous les documents, matériels et produits de santé relatifs au cas étudié et de débuter la rédaction des faits et de la caractérisation de l'erreur.

Étape 1 : Introduire la réunion (PLAN)L'animateur commence par désigner le secrétaire de séance et distribue le document "Les REMED en synthèse". Il est primordial de rappeler les fondamentaux de la démarche : règles déontologiques, confidentialité et anonymisation. Les objectifs de la REMED sont précisés : améliorer les pratiques et le travail d'équipe, communiquer sur les difficultés et les défauts d'organisation, et corriger les processus défaillants. L'accent est mis sur l'absence de jugement de valeur pour rassurer les participants et favoriser la libre expression. L'enregistrement des données dans le cahier de la REMED se poursuit tout au long de la séance.

Étape 2 : Présenter le cas et identifier les problèmes rencontrés (DO)Cette étape vise à répondre aux questions "Qu'est-il arrivé ?" et "Comment est-ce arrivé ?". Après une description chronologique des faits, l'outil QQOQCCP (Qui ? Quoi ? Où ? Quand ? Comment ? Combien ? Pourquoi ?) est utilisé pour préciser et compléter les faits de manière non interprétative avec les participants. Il s'agit également de repérer les barrières de sécurité qui ont fait défaut, celles qui ont fonctionné et les modalités de détection et de récupération des erreurs.

Étape 3 : Caractériser l'erreur médicamenteuse (DO)Il s'agit de déterminer la typologie de l'erreur. La caractérisation de l'erreur médicamenteuse est validée par les participants selon six éléments signifiants (Annexe I) :

  • Les produits de santé impliqués (médicament, traitement, protocole, dispositif médical).
  • Le niveau de réalisation de l'erreur (potentielle, avérée et interceptée, avérée et identifiée après avoir atteint le patient).
  • La nature de l'erreur médicamenteuse (patient, omission, médicament, dose, modalités, moment, durée d'administration).
  • La gravité constatée des conséquences (mineure, significative, majeure, critique, catastrophique, selon l'échelle HAS).
  • Le risque associé à l'erreur (porteuse de risque ou non).
  • L'étape initiale de survenue dans le processus de prise en charge du patient (identification, prescription, dispensation, administration, suivi, information, logistique). Une réflexion est également menée sur les étapes secondaires où l'erreur s'est poursuivie.

Étape 4 : Rechercher les causes et facteurs contributifs (CHECK)Cette étape fondamentale répond à la question "Pourquoi est-ce arrivé ?". L'outil utilisé pour la recherche des causes profondes synthétise des grilles reconnues (REEM, Savall, ISMP, ALARM, HAS, MERVEIL). L'animateur guide le balayage des causes par domaines d'investigation. Pour chaque problème, les causes et facteurs contributifs sont recherchés, en identifiant pourquoi les barrières ont fait défaut (Annexe I). La réflexion porte sur huit domaines de causes : produits de santé, patient, professionnels de santé, tâches et procédures opérationnelles, fonctionnement de l'équipe, environnement de travail, organisation et management, et contexte institutionnel. Plus de 250 causes possibles sont listées. Si nécessaire, une hiérarchisation des causes est effectuée à l'aide de la matrice de pondération des causes (Annexe L).

Étape 5 : Synthétiser le plan d'actions (ACT)Ce deuxième temps fort de la REMED vise à répondre aux questions "Qu'avons-nous appris ?" et "Quels changements mettre en œuvre ?". Le climat de confiance facilite l'expression de tous. Des éléments d'information complémentaires (retour d'expérience interne, recherche bibliographique) sont partagés. Il s'agit ensuite d'identifier les actions de prévention, d'interception ou de récupération à mettre en œuvre. Le plan d'actions est construit pour suivre l'état d'avancement des mesures retenues (Annexe J). Si besoin, les actions d'amélioration sont priorisées en évaluant leur faisabilité et leur lien avec le risque de reproduction de l'erreur (Annexe M). Les modalités de communication et d'information des équipes et des destinataires sont également établies.

Étape 6 : Clôturer la réunion (ACT)À la fin de la séance, le compte rendu synthétique est lu et validé, en s'assurant de son anonymisation complète (Annexe K). Les déclarations aux vigilances concernées sont enregistrées si nécessaire. Le programme des actions décidées lors des réunions antérieures est révisé. Les cas d'erreurs médicamenteuses pour la réunion suivante sont sélectionnés. Enfin, les participants sont enregistrés sur une feuille d'émargement.

Étape 7 : Après la réunion (ACT)Cette étape post-réunion est cruciale pour la pérennité de la démarche. Un retour d'information est assuré en adressant le compte rendu à chaque participant et invité. Les déclarations aux institutions sont effectuées si nécessaire. Le suivi et l'évaluation du plan d'actions sont mis en œuvre. La REMED est enregistrée dans le bilan annuel, et le cas d'erreur médicamenteuse ainsi que les actions d'amélioration sont consignés dans les tableaux de suivi correspondants.

Les outils indispensables à la REMED : du classeur aux matrices d'analyse

La méthode REMED est accompagnée d'une panoplie d'outils spécifiquement conçus pour faciliter son organisation, sa conduite et l'exploitation des données qu'elle génère. L'outil central est le Classeur de la REMED, disponible en version électronique et téléchargeable sur le site de la SFPC (www.sfpc.eu).

Le Classeur de la REMED est un support interactif composé de plusieurs onglets :

  • Onglet 1 - Présentation du classeur de la REMED : Fournit une introduction à la REMED, son histoire, ses auteurs et des définitions clés.
  • Onglet 2 - Mode d'emploi du classeur de la REMED : Décrit les consignes d'utilisation des différents onglets, notamment les codes couleur pour la saisie des informations.
  • Onglet 3 - Cahier de la REMED : C'est l'outil pivot. Il guide le déroulement de la REMED, de la préparation du cas à la séance pluri-professionnelle. Il sert de compte rendu détaillé, renseigné au fur et à mesure de l'étude du cas.
  • Onglet 4 – Liste de questions : Aide à structurer les entretiens avec les professionnels et les discussions lors de l'analyse des causes et de la recherche d'actions d'amélioration, en s'appuyant notamment sur la méthode QQOQCCP (Qui ? Quoi ? Où ? Quand ? Comment ? Combien ? Pourquoi ?).
  • Onglet 5 – Liste des documents utiles : Un mémento pour identifier les documents pertinents nécessaires à l'objectivation des constats.
  • Onglet 6 - Caractérisation de l'EM : Permet de déterminer les six éléments signifiants d'une erreur médicamenteuse pour sa classification.
  • Onglet 7 – Liste des causes : Propose plus de 250 causes possibles, classées en 8 domaines d'investigation (produits de santé, patient, professionnels de santé, tâches et procédures opérationnelles, fonctionnement de l’équipe, environnement de travail, organisation et management, contexte institutionnel). Cette liste synthétise diverses méthodes d'analyse des risques.
  • Onglet 8 – Tableau des actions d'amélioration : Permet de suivre la mise en œuvre des actions d'amélioration décidées. Les informations saisies dans le Cahier de la REMED se transfèrent automatiquement dans cet onglet.
  • Onglet 9 - Compte rendu synthétique : Génère un compte rendu anonymisé et synthétique du cas analysé, support de communication.

En complément de ces outils de base, le classeur intègre également des outils optionnels, dits "experts" :

  • Onglet 10 – Matrice de pondération des causes (Annexe L) : Permet de hiérarchiser les causes identifiées en fonction de l'intensité de leur lien avec l'erreur produite, de manière objective et sans jugement de valeur.
  • Onglet 11 – Matrice de priorisation des actions d'amélioration (Annexe M) : Aide à prioriser les actions d'amélioration en évaluant leur faisabilité et l'intensité de leur lien avec le risque de reproduction de l'erreur.

Ces outils sont conçus pour être évolutifs et ne pas contraindre les professionnels de santé à un formalisme excessif, tout en assurant l'harmonisation de la démarche REMED.

En plus du classeur, d'autres documents complémentaires sont proposés pour renforcer la gestion des risques associés aux produits de santé :

  • La liste des "événements qui ne devraient jamais arriver" (never events), fournie par l'ANSM.
  • La liste des événements sentinelles associés aux produits de santé, établie par la SFPC.
  • Le scénario 5C d'une erreur médicamenteuse (Causes-Conséquences, Corrections, Chronologie, Conséquence Résiduelle). Cet outil pédagogique schématise l'enchaînement des faits, soulignant la complexité et la temporalité des événements.
  • La charte d'encouragement au signalement des événements indésirables, proposée par le Centre hospitalier de Lunéville.
  • Un tableau de suivi des erreurs médicamenteuses signalées dans l'établissement.
  • Le programme Médicament & Sécurité Thérapeutique (Med'Seth), qui facilite le recensement et le suivi des actions d'amélioration de la prise en charge médicamenteuse.

L'ensemble de ces ressources est téléchargeable sur le site internet de la SFPC, offrant aux professionnels les moyens nécessaires pour organiser, conduire et exploiter les analyses des erreurs médicamenteuses de manière structurée et efficace.

La REMED au service de la culture de sécurité et du développement professionnel continu

La REMED ne se limite pas à être une simple méthode d'analyse ; elle est un puissant levier pour transformer la culture de sécurité au sein des établissements de santé et contribuer activement au développement professionnel continu des soignants. La prise de conscience de la gestion des risques sanitaires s'affirme progressivement, et la REMED s'inscrit dans cette dynamique en fournissant un cadre pour aborder les erreurs de manière constructive.

Historiquement, affronter les erreurs était difficile pour les professionnels, souvent perçues avec un caractère culpabilisant. L'OMS a pourtant souligné dès 2002 que les causes des erreurs sont, dans plus de 75% des cas, d'origine systémique. La REMED adopte précisément cette approche systémique et non culpabilisante. Elle encourage à considérer les personnes impliquées dans la survenue d'une erreur comme des personnes ressources pour l'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins, un facteur indispensable au succès et à la pérennité de la démarche. Cette vision permet de dépasser la seule réflexion centrée sur les individus pour tirer des enseignements sur les forces et les vulnérabilités du système de soins.

La REMED favorise une démarche pédagogique essentielle pour le renforcement d'une culture de sécurité :

  • Elle permet une meilleure compréhension de la complexité du processus de prise en charge médicamenteuse des patients.
  • Elle contribue à l'amélioration des pratiques professionnelles liées aux soins médicamenteux.
  • Elle assure le perfectionnement des connaissances grâce au retour d'expérience.
  • Elle renforce la communication entre professionnels de santé, un élément clé dans la prévention des erreurs.
  • Elle s'inscrit dans l'amélioration continue de la qualité et de la sécurité de la prise en charge médicamenteuse, ainsi que dans la maîtrise et la gestion des risques liés aux produits de santé.

En France, la loi de Santé Publique de 2004 a érigé les événements indésirables graves en problème de santé publique, soulignant l'importance de la diminution des événements indésirables liés aux médicaments. La REMED s'aligne parfaitement avec ces objectifs. Elle est également citée dans le Guide méthodologique de la HAS sur la sécurité des patients.

La participation active aux REMED permet aux professionnels de valider en partie leurs obligations individuelles dans le cadre du Développement Professionnel Continu (DPC). En effet, la REMED est l'une des méthodes spécifiquement listées par la Haute Autorité de Santé (HAS) dans son document "Développement professionnel continu – Méthodes et modalités de DPC" de décembre 2012. Elle participe également aux démarches de certification des établissements de santé et au management de la qualité et des risques, ainsi qu'à leurs dispositifs contractuels (contrats pluriannuels d'objectifs, contrats de bon usage).

La REMED s'inscrit dans les dispositions relatives aux droits des patients et à la qualité et sécurité des soins, que le patient soit hospitalisé, résident ou ambulatoire. C'est un outil qui appuie la mise en œuvre des exigences de l'arrêté du 6 avril 2011 relatif au management de la sécurité des soins médicamenteux du patient hospitalisé.

En conclusion, la REMED est un "remède à l'erreur" en transformant l'erreur, inhérente à toute activité humaine organisée, en un outil pédagogique. Le soin médicamenteux étant un processus complexe, la REMED offre une méthode pluriprofessionnelle pour l'améliorer, en se basant sur la pédagogie par l'erreur et en prenant en compte l'ensemble du processus de prise en charge du patient. C'est un travail collectif dont la réussite, mesurée par la satisfaction des utilisateurs et la pertinence des réponses et pistes fournies, bénéficiera directement aux patients. La REMED est donc un pilier pour une gestion des risques médicamenteux proactive et une culture de sécurité en constante évolution.

Source

https://sfpc.eu/wp-content/uploads/2019/11/Manuel_de_la_remed-_jan_2013_-_version_dfinitive_300114-copie.pdf

photo de l'auteur de l'article du blog de la safeteam academy
Frédéric MARTIN
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