Publié le
14/4/2025

Perte de mémoire après anesthésie générale : ce qu'il faut savoir

Découvrez les causes et les effets de la perte de mémoire après anesthésie générale. Conseils et explications détaillées pour comprendre ce phénomène. Cliquez pour en savoir plus.

Découvrez les causes et les effets de la perte de mémoire après anesthésie générale. Conseils et explications détaillées pour comprendre ce phénomène. Cliquez pour en savoir plus.L’anesthésie générale suscite régulièrement des interrogations, notamment concernant une potentielle perte de mémoire après l’intervention. Ce phénomène, appelé déficience cognitive postopératoire, peut toucher les facultés cognitives telles que la mémoire et la concentration. Bien que ces troubles soient souvent transitoires, leur intensité et leur durée peuvent varier en fonction de plusieurs facteurs. Les troubles cognitifs post-opératoires sont inclus dans un terme plus large de troubles neurocognitifs postopératoires (PNDs), qui englobent également le délire postopératoire, un état aigu de confusion et d'inattention, et le dysfonctionnement cognitif postopératoire (POCD), un état prolongé d'altération cognitive affectant principalement les fonctions cognitives de haut niveau et la mémoire. Des données récentes suggèrent une relation sous-jacente entre le délire et le POCD chez les patients dont le cerveau peut être vulnérable au déclin cognitif après le stress de la chirurgie et de l'anesthésie.

Il est essentiel de comprendre les mécanismes et les facteurs de risque liés à ces effets. Des études ont montré que certains éléments, comme l'âge avancé ou des antécédents médicaux spécifiques, pourraient augmenter la probabilité de déficience cognitive postopératoire. Cependant, ces impacts sont généralement légers et temporaires. Parmi les facteurs de risque de troubles cognitifs postopératoires, on retrouve l'âge, le sepsis, une vulnérabilité cérébrale, un syndrome de fragilité, les chirurgies complexes et majeures (thoraciques ou cardiaques), et des anesthésies répétées. La fragilité du patient repose sur la performance physique, la vitesse de marche, l'activité physique quotidienne, le statut nutritionnel, la santé mentale et la cognition.

Pour minimiser ces risques, divers protocoles médicaux et de suivi permettent de mieux accompagner les patients après une anesthésie. Une information claire et des conseils adaptés contribuent à réduire l’anxiété et à améliorer la gestion des éventuels effets secondaires.

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Qu'est-ce que l'anesthésie générale ?

L’anesthésie générale (AG) est un état médical temporaire, provoqué de manière contrôlée, afin de suspendre la conscience et la perception douloureuse. Cette méthode permet de réaliser à la fois des interventions chirurgicales complexes et certains examens invasifs dans des conditions optimales, sans douleur ni souvenir de l’acte chirurgical.

Les différents types d'anesthésiques utilisés

L’anesthésie générale repose sur l’association de plusieurs médicaments complémentaires, chacun contribuant de façon précise à l’effet recherché. Les principaux agents utilisés incluent :

  • Les hypnotiques, tels que le propofol, l’étomidate, la kétamine ou le thiopental, administrés par voie intraveineuse, induisant un état de sommeil artificiel permettant d’«endormir» le patient. Le propofol, l'étomidate et le thiopental peuvent produire un électroencéphalogramme (EEG) de burst suppression à des doses élevées.
  • Les analgésiques, notamment le sufentanil, le fentanyl, le remifentanil, et l’alfentanil, qui agissent pour supprimer efficacement la douleur durant l’intervention.
  • Les curarisants, tels que le cisatracurium, l’atracurium, le rocuronium, le suxamethonium, et le mivacurium, qui permettent de réduire le tonus musculaire en favorisant un état de relâchement complet nécessaire pour une chirurgie optimale.

Comment fonctionne l'anesthésie générale sur le cerveau ?

Les mécanismes de l’anesthésie générale reposent sur une action ciblée sur le système nerveux central. Lorsqu’un anesthésique est administré par voie intraveineuse ou par inhalation, il provoque une perte de conscience, alliée à une insensibilité à la douleur et une suspension des réflexes naturels.

Cette perturbation contrôlée implique également l’arrêt de la respiration autonome et la suppression des réflexes des voies aériennes. En conséquence, il est souvent nécessaire de procéder à une intubation trachéale pour assurer une ventilation artificielle et préserver l’oxygénation adéquate de l’organisme. L'anesthésie générale altère également l'activité électrique du cerveau, ce qui peut être mesuré par électroencéphalographie (EEG). Un pattern d'EEG particulier, appelé burst suppression, se caractérise par des périodes alternées d'activité électrique cérébrale (bursts) et de silence électrique (suppression). La propension à développer un burst suppression pourrait être associée à une faible puissance alpha frontale à l'EEG, suggérant un "cerveau vulnérable".

La perte de mémoire post-anesthésie : un effet secondaire fréquent ?

La perte de mémoire suite à une anesthésie générale est un phénomène souvent observé. Ce trouble, également connu sous le terme de déficience cognitive postopératoire, peut se manifester de manière variable en fonction de sa durée et de son intensité.

Différences entre la perte de mémoire temporaire et à long terme

On distingue deux types de perte de mémoire postopératoire : temporaire et à long terme. Dans la majorité des cas, les déficits cognitifs sont transitoires et s'estompent dans les heures ou jours suivant l'intervention. Cependant, chez certains patients, en particulier les sujets âgés, ces troubles peuvent persister durant plusieurs mois. On estime que jusqu'à 65% des patients âgés de 65 ans et plus présentent un délire et que 10% développent un déclin cognitif à long terme après une chirurgie non cardiaque.

Il est intéressant de noter qu'environ un tiers des patients ayant subi une intervention chirurgicale sous anesthésie générale présentent des altérations cognitives à leur sortie de l’hôpital. Parmi eux, un dixième continue à en éprouver les effets jusqu’à trois mois après l’opération.

Les recherches mettent en lumière le fait que même une faible exposition aux agents anesthésiques peut avoir des répercussions prolongées sur les capacités cognitives. Par exemple, des études effectuées sur des souris ont démontré que l'activité des récepteurs impliqués dans la perte de mémoire demeure élevée plusieurs jours après l'administration des substances anesthésiques, affectant ainsi leur capacité d'apprentissage et de mémorisation.

Facteurs de risque associés à la perte de mémoire après une anesthésie

Parmi les éléments qui augmentent le risque de troubles cognitifs postopératoires, l'âge avancé figure en tête. Les personnes âgées sont en effet plus susceptibles de présenter des déficiences durables. De plus, les chirurgies complexes et majeures, telles que les procédures thoraciques ou chirurgies cardiaques, jouent un rôle significatif. Le type d’intervention et la santé globale du patient sont également des facteurs influents. Les patients âgés présentent des changements cérébraux liés à l'âge qui peuvent contribuer à une diminution de la réserve cognitive et à une susceptibilité accrue aux stress de la chirurgie et de l'anesthésie.

Les anesthésies répétées peuvent également amplifier les risques. Des tests effectués sur des souris ont mis en évidence qu'une administration réitérée de sévoflurane, un gaz anesthésique couramment utilisé, peut entraîner des altérations irréversibles des protéines Tau. Ces protéines sont fortement associées à la dégénérescence neuronale observée dans la maladie d’Alzheimer, engendrant ainsi des troubles cognitifs importants.

Enfin, certains événements périopératoires, tels que l’hypoxémie ou l’utilisation de médicaments complémentaires à l’anesthésie (comme les benzodiazépines, les anticholinergiques centraux, la mépéridine, les phénothiazines et les antipsychotiques), peuvent influencer la survenue et l’intensité des déficits cognitifs postopératoires. Ces facteurs périopératoires doivent donc être rigoureusement surveillés afin de limiter ces effets indésirables.

Études et recherches sur la perte de mémoire après une anesthésie générale

Les recherches sur les effets cognitifs de l’anesthésie générale ont permis de mieux cerner les mécanismes qui peuvent entraîner une altération de la mémoire chez certains patients. Ces analyses approfondies sont essentielles pour comprendre ces phénomènes et améliorer la prise en charge des personnes concernées.

Cas où la perte de mémoire a été observée

Il est fréquent d’observer une perte de mémoire chez certains patients après une anesthésie générale. Par exemple, une étude réalisée par la faculté de médecine de l’Université de Toronto a révélé qu’environ un tiers des patients opérés sous anesthésie générale présentent des troubles cognitifs à leur sortie de l’hôpital, incluant la perte de mémoire. Parmi eux, environ 10% continuent à expérimenter ces troubles jusqu’à trois mois après l’intervention.

Une autre analyse publiée dans le British Journal of Anaesthesia en 2018, menée auprès de près de 2 000 personnes âgées de plus de 70 ans, a montré que l’exposition à la chirurgie et à l’anesthésie générale pouvait affecter le cerveau à long terme. Certains patients ont ainsi souffert d’un déclin subtil mais notable de leur mémoire et de leurs capacités de réflexion, mettant en lumière l’impact potentiel sur les fonctions cognitives.

Plus récemment, une recherche publiée dans Scientific Reports en 2023 a confirmé un risque accru de troubles cognitifs après une intervention sous anesthésie générale. Ces troubles semblent parfois corrélés à des modifications structurelles du cerveau, bien que des études supplémentaires soient nécessaires pour établir un lien concret. De plus, des études ont suggéré que l'anesthésie et la chirurgie pourraient être associées à une modeste accélération du taux de déclin cognitif chez les patients âgés et pourraient potentiellement augmenter les dépôts cérébraux de β-amyloïde, un marqueur de la maladie d'Alzheimer. Une étude de 2014 a observé une augmentation de l'incidence de la démence et un intervalle réduit avant le diagnostic de démence après l'anesthésie et la chirurgie chez les patients âgés de 50 ans et plus.

Les limites des études existantes

Bien qu’intéressantes, ces recherches soulèvent certaines interrogations. Une des principales limites réside dans la difficulté de différencier les facteurs en cause : est-ce l’anesthésie, la chirurgie ou les pathologies sous-jacentes qui provoquent le déclin cognitif ?. Il est difficile de déterminer avec certitude si le déclin est lié à l’anesthésie elle-même ou à d’autres éléments, comme les traitements ou conditions médicales préexistantes.

Par ailleurs, de nombreuses recherches ont utilisé des souris pour étudier les effets cognitifs des anesthésiques. Une étude menée par l’Inserm a montré que le sévoflurane, administré à plusieurs reprises, entraîne des altérations des protéines Tau et des troubles de la mémoire. Cependant, la transposition directe de ces résultats aux humains reste hypothétique.

Pour obtenir des réponses précises et fiables, il est impératif de conduire des études prospectives et des suivis approfondis à long terme. Les résultats actuels, bien qu’ils soient significatifs, nécessitent confirmation et exploration dans des cohortes plus larges avant d’aboutir à des conclusions définitives.

Conseils pour minimiser les risques de perte de mémoire

Réduire les risques de perte de mémoire suite à une anesthésie générale nécessite une approche structurée avant, pendant et après l’intervention chirurgicale. Plusieurs mesures pratiques peuvent être prises pour optimiser ce processus et améliorer le confort des patients.

Préparation avant une opération

La consultation pré-anesthésique joue un rôle important dans la préparation. Ce rendez-vous permet de évaluer en détail l’état de santé du patient et de discuter des différentes options d’anesthésie adaptées à ses besoins. Il est extrêmement important de signaler tout antécédent, comme un réveil peropératoire, ainsi que toute substance consommée qui pourrait altérer l’efficacité des anesthésiques, telles que l’alcool, les opioïdes, les antiépileptiques ou les benzodiazépines. Une évaluation préopératoire complète devrait également aborder et optimiser les facteurs de risque modifiables de troubles neurocognitifs postopératoires, tels que le statut fonctionnel, la fragilité, les troubles de l'audition et de la vision, la dépression, l'hypertension, les troubles du sommeil, la glycémie, la consommation d'alcool et d'autres substances, les médicaments, l'état nutritionnel et la douleur. Des programmes de préhabilitation personnalisés et des parcours de soins pourraient également limiter l'incidence et la gravité des PND.

Le respect des consignes de jeûne pré-anesthésique est également essentiel, puisqu’il aide à prévenir des complications sérieuses comme les vomissements ou les aspirations pulmonaires. En règle générale, il est recommandé de ne pas manger d’aliments solides dans les six heures précédant l’intervention, tout en permettant la consommation de liquides comme l’eau, le café ou le thé sans lait, ainsi que les jus de fruits sans pulpe, jusqu’à deux heures avant l’opération.

Suivi post-opératoire et recommandations

Après l’intervention, le suivi post-opératoire constitue une étape clé pour détecter rapidement et prendre en charge d’éventuelles perturbations de la mémoire ou des capacités de concentration. Les patients doivent être informés des signes comme une altération de la concentration, des troubles du sommeil ou une somnolence excessive, et encouragés à consulter leur médecin si ces symptômes se prolongent. Le dépistage des troubles cognitifs post-opératoires, même silencieux, est essentiel et peut se faire à l'aide de scores comme le CAM-ICU-7. La mise en place de stratégies spécifiques basées sur le dépistage et une prise en charge précoce, avec le soutien des familles, la limitation des médicaments anticholinergiques et la mobilisation précoce des patients, permet de réduire l'impact du délire et de prévenir sa chronicisation.

Un repos suffisant après une anesthésie générale est vivement conseillé pour permettre au cerveau et au corps de récupérer pleinement. Bien que les médicaments soient inutiles pour contrer directement la fatigue liée à l’anesthésie, les vitamines peuvent être proposées pour faciliter la récupération globale.

Enfin, l’utilisation de techniques d’anesthésie mixte, combinant une anesthésie générale et une anesthésie locorégionale, représente une alternative intéressante. Cette approche peut réduire la profondeur de l’anesthésie et ainsi limiter les effets secondaires. Durant l’intervention, le recours au monitorage avancé, comme l’Index Bispectral (BIS), aide à ajuster précisément le dosage des agents anesthésiants. Le BIS vise à éviter les périodes de "burst suppression" et la disparition des ondes alpha en densité spectrale sur le moniteur, car ces deux éléments sont corrélés à une survenue plus fréquente de troubles cognitifs postopératoires. Shao (4) suggère que le BIS pourrait également aider à dépister les "cerveaux vulnérables" plus à risque de dysfonction cognitive. Cependant, il est important de noter que les algorithmes commerciaux d'estimation du burst suppression, comme le BIS, peuvent sous-estimer la durée réelle du burst suppression par rapport à l'analyse visuelle de l'EEG. Malgré des études montrant que le monitorage EEG peropératoire guidé par le BIS peut être associé à une diminution du délire postopératoire, d'autres études, comme l'essai ENGAGES, n'ont pas montré de diminution significative du délire. Il est possible qu'un sous-groupe de patients cognitivement fragiles puisse bénéficier d'une profondeur anesthésique guidée par l'EEG. Le monitorage de l'EEG brut pourrait être une meilleure alternative pour détecter et prévenir le burst suppression et le délire postopératoire, avec une formation adéquate pour les praticiens.

Burst Suppression et Risque Cognitif Postopératoire

Le burst suppression à l'EEG durant l'anesthésie générale est étudié comme un mécanisme potentiel menant à un trouble cognitif postopératoire. Bien que les études présentent des résultats contradictoires, l'état actuel de la recherche suggère que le burst suppression à l'EEG, sa durée et la trajectoire de l'émergence de l'EEG pourraient prédire le délire postopératoire (POD). Plusieurs études ont montré que les patients ayant présenté un burst suppression intraopératoire à l'EEG avaient un risque accru de POD. De plus, une étude sur les chirurgies aortiques a trouvé une association entre des valeurs de BIS plus basses (suggérant un burst suppression) et un risque accru de POD et d'événements neurologiques.

Le mécanisme exact du burst suppression n'est pas complètement élucidé, mais deux hypothèses principales existent : l'hypothèse de l'hypersensibilité corticale et l'hypothèse métabolique. L'EEG peut également aider à identifier les "cerveaux vulnérables" plus susceptibles de développer un burst suppression et des troubles cognitifs postopératoires. Des études ont montré que l'âge avancé, des antécédents de maladie coronarienne et le sexe masculin peuvent être des facteurs de risque de suppression à l'EEG. De plus, une faible puissance alpha et bêta à l'EEG a été associée à un âge plus avancé, à une vulnérabilité au burst suppression, à une réduction du métabolisme cérébral, à une diminution des capacités cognitives et à un risque accru de complications postopératoires telles que le POD.

Il est important de noter que les agents anesthésiques peuvent avoir des impacts différents sur l'EEG des patients et que le choix et le dosage doivent être considérés pour éviter le burst suppression. Par exemple, l'halothane a des effets mineurs sur l'EEG et ne provoque pas de burst suppression même à fortes doses. Cependant, les patients ayant une sensibilité accrue aux anesthésiques volatils et des antécédents de tabagisme peuvent présenter une suppression de l'EEG à des concentrations anesthésiques plus faibles et avoir une incidence plus élevée de POD.

photo de l'auteur de l'article du blog de la safeteam academy
Frédéric MARTIN
Fondateur de la SafeTeam Academy
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