Publié le
11/6/2025

Never Events

Les "Never Events" sont des erreurs médicales d'une gravité telle qu'elles ne devraient, en théorie, "jamais" arriver. Ces incidents, bien que souvent évitables, peuvent avoir des conséquences tragiques, allant de lésions neurologiques irréversibles au décès.

Never Events : comprendre, prévenir et agir face aux erreurs médicales évitables

Dans le domaine de la santé, la sécurité des patients est une priorité absolue. Pourtant, malgré les avancées technologiques et les protocoles rigoureux, des incidents graves peuvent survenir. Parmi ceux-ci, une catégorie particulière est désignée sous le terme de "Never Events". Ce sont des erreurs médicales d'une gravité telle qu'elles ne devraient, en théorie, "jamais" arriver. Ces incidents, bien que souvent évitables, peuvent avoir des conséquences tragiques, allant de lésions neurologiques irréversibles au décès. Comprendre leur nature, identifier leurs causes profondes et mettre en place des stratégies de prévention efficaces est un enjeu crucial pour tous les établissements de santé.

Les sources révèlent que 75% des erreurs liées aux produits de santé concernent des médicaments dits "à risque", et la plupart d'entre eux figurent sur la liste des Never Events. Cette statistique souligne l'importance capitale de s'attaquer à ces événements non seulement pour la protection des patients, mais aussi pour renforcer la confiance du public dans le système de soins. Cet article explore en profondeur ce que sont les Never Events, pourquoi ils surviennent, quels sont les 16 événements les plus récents identifiés, et comment les prévenir efficacement, notamment grâce à l'intégration d'outils numériques.

Qu'est-ce qu'un "Never Event" ? Définition et enjeu en santé.

L'expression "Never Event" désigne des événements indésirables en santé d'une gravité telle qu'ils sont considérés comme totalement évitables si les protocoles de sécurité appropriés avaient été scrupuleusement appliqués. Il s'agit spécifiquement d'incidents médicamenteux qui peuvent avoir des répercussions dramatiques sur la vie des patients. Ces incidents sont caractérisés par leur nature prévisible et leur lien direct avec des erreurs humaines ou systémiques.

Le concept de "Never Event" a émergé aux États-Unis en 2001. À l'origine, il servait à qualifier des erreurs médicales particulièrement choquantes, telles que la chirurgie effectuée sur le mauvais site ou le mauvais patient. La terminologie française, adoptée notamment par la Haute Autorité de Santé (HAS), décrit ces événements comme des incidents qui "ne devraient jamais arriver". C'est une notion forte qui met en lumière la nature inexcusable de ces erreurs et la nécessité d'une prévention absolue.

L'enjeu des Never Events est double. D'une part, ils sont le reflet d'une défaillance grave dans les systèmes de soins, compromettant directement la sécurité des patients. D'autre part, leur survenue, souvent rendue publique, peut détériorer considérablement la confiance des usagers envers les professionnels de santé et les établissements. Le fait que ces événements soient évitables mais qu'ils se produisent quand même, soulève des questions fondamentales sur la qualité et la sécurité des soins. Selon la HAS, une proportion alarmante de 75% des erreurs liées aux produits de santé concernent des médicaments "à risque", et une grande majorité de ces erreurs figurent sur la liste des Never Events. Cette statistique met en évidence la nécessité impérieuse de comprendre les mécanismes sous-jacents à ces incidents et de mettre en œuvre des stratégies robustes pour les éradiquer. Les Never Events sont donc des indicateurs critiques de la performance d'un établissement en matière de sécurité, et leur prévention est un objectif fondamental pour toute organisation de santé soucieuse de la protection de ses patients.

Les causes profondes des "Never Events" : Au-delà de l'erreur isolée.

Il est essentiel de comprendre que les Never Events ne sont que rarement le résultat d'une simple erreur humaine isolée. En réalité, ils découlent le plus souvent de dysfonctionnements multiples et complexes au sein des systèmes de soins. Ces faiblesses systémiques créent un environnement propice à la survenue d'erreurs, même avec du personnel qualifié et dévoué. Les sources identifient plusieurs facteurs clés qui contribuent à la survenue de ces événements graves :

  • Absence de protocoles ou de check-lists : L'un des piliers de la sécurité des soins est la standardisation des pratiques. L'absence de protocoles clairs et détaillés, ou la non-utilisation de check-lists, peut entraîner des omissions critiques et des incohérences dans les procédures. Par exemple, la non-utilisation d'une check-list chirurgicale pour confirmer l'identité du patient et la zone à opérer est un facteur de risque majeur qui peut conduire à une intervention sur le mauvais patient ou le mauvais site. Ces outils sont conçus pour garantir que toutes les étapes essentielles sont suivies, réduisant ainsi la probabilité d'erreurs dues à l'oubli ou à la négligence.
  • Mauvaise communication entre professionnels : La communication est la pierre angulaire de la coordination des soins. Un manque de clarté dans les échanges d'informations, des éléments omis lors des transmissions entre équipes ou services, ou des malentendus peuvent directement entraîner des erreurs dans l'exécution des soins. Lorsque les informations vitales concernant un patient, un médicament ou une procédure ne sont pas correctement transmises ou comprises, le risque d'incident augmente drastiquement.
  • Surmenage et fatigue du personnel médical : Les professionnels de santé sont souvent confrontés à des conditions de travail exigeantes et à des emplois du temps excessivement remplis. Cette surcharge de travail, associée à un manque de repos, conduit inévitablement à la fatigue physique et mentale. La fatigue altère la vigilance, réduit la concentration, ralentit les temps de réaction et diminue la capacité de prise de décision, augmentant ainsi significativement le risque d'erreurs, même pour des tâches routinières.
  • Défauts technologiques ou d'équipements : Les avancées technologiques sont cruciales dans le domaine de la santé, mais elles peuvent aussi introduire de nouveaux risques. Une mauvaise utilisation des équipements due à un manque de formation des professionnels, ou un défaut technique d'un appareil lui-même, peut directement causer un incident grave. Par exemple, une pompe à perfusion mal programmée en raison d'une mauvaise compréhension de son fonctionnement ou d'un dysfonctionnement matériel peut entraîner un surdosage ou un sous-dosage critique.

En somme, les Never Events ne sont pas de simples "oublis isolés", mais des symptômes d'une faiblesse systémique plus profonde au sein des organisations de soins. Il est également souligné que ces événements concernent fréquemment les médicaments à marge thérapeutique étroite. Cela signifie que la différence entre une dose efficace et une dose toxique est minime, rendant toute erreur de dosage ou d'administration potentiellement fatale. La compréhension de ces causes complexes est la première étape vers l'élaboration de stratégies de prévention efficaces, qui doivent s'attaquer aux racines systémiques plutôt qu'aux manifestations individuelles de l'erreur.

La liste officielle des "Never Events" : Une évolution constante pour la sécurité des patients.

La reconnaissance et la catégorisation des Never Events sont des éléments clés pour la sécurité des patients. L'identification et la diffusion de ces listes permettent aux établissements de santé de cibler leurs efforts de prévention sur les risques les plus critiques et potentiellement les plus dévastateurs. L'histoire des Never Events est marquée par une évolution constante, reflétant l'apprentissage et l'amélioration continue des systèmes de santé.

Le concept est né aux États-Unis en 2001, où une première liste regroupait 28 événements graves évitables, répartis en 7 catégories. Le Canada a également adopté une approche similaire, disposant depuis 2015 d'une liste de 15 catégories de "never events". En France, l'Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) a initialement introduit une liste de 9 "never events" en 2021.

Cependant, la sécurité des patients est un domaine en perpétuel mouvement. C'est pourquoi la liste des Never Events est régulièrement mise à jour pour intégrer les nouvelles connaissances, les retours d'expérience et les évolutions des pratiques médicales. La nouvelle liste des Never Events a été officiellement publiée dans le Bulletin officiel du 31 mai 2024. Cette mise à jour est un jalon important, chaque établissement de santé ayant reçu la liste actualisée via son Agence Régionale de Santé (ARS).

Cette dernière version identifie 16 Never Events distincts. La diffusion officielle par l'ARS garantit que tous les acteurs du système de soins sont informés des risques prioritaires à maîtriser. Cette dynamique d'actualisation souligne une prise de conscience accrue de la complexité des soins et de la nécessité d'une vigilance constante. La transparence autour de ces listes permet aux professionnels de se concentrer sur les situations à haut risque, d'élaborer des protocoles spécifiques et de renforcer la formation pour prévenir ces incidents. La liste de ces 16 événements est la feuille de route actuelle pour une sécurité renforcée dans les établissements de santé.

Les "Never Events" liés aux médicaments à haut risque et voies d'administration critiques.

Parmi les 16 Never Events identifiés, plusieurs concernent directement des médicaments à haut risque et des erreurs liées à des voies d'administration spécifiques, dont les conséquences peuvent être dramatiques. La précision et la vigilance sont primordiales dans ces contextes.

  1. Erreur lors de la prise en charge des patients traités avec des médicaments anticoagulants : Les anticoagulants, tels que l'héparine ou le fraxodi, sont des médicaments à très haut risque en raison de leur capacité à modifier la coagulation sanguine. Ils sont essentiels pour prévenir les thromboses ou traiter des affections comme la phlébite, mais une mauvaise gestion de leur administration ou un dosage incorrect peut entraîner des hémorragies graves et incontrôlables, potentiellement fatales. La surveillance étroite des paramètres de coagulation et des ajustements de dose rigoureux sont cruciaux.
  2. Erreur lors de l’administration du chlorure de potassium (KCl) injectable : Le chlorure de potassium concentré est utilisé pour corriger des déséquilibres électrolytiques sévères, mais son administration est extrêmement délicate. Une administration inappropriée, par exemple un débit trop rapide ou une concentration excessive, peut provoquer des troubles cardiaques graves, notamment des arrêts cardiaques. C'est un médicament qui nécessite une attention particulière à chaque étape de sa préparation et de son administration.
  3. Erreur de préparation de spécialités injectables pour lesquelles le mode de préparation est à risque : Les médicaments injectables exigent une préparation stérile et d'une précision absolue. Toute erreur dans la dilution, le mélange des composants, ou un manquement aux règles de stérilité peut avoir des conséquences désastreuses. Cela peut entraîner des infections graves, des réactions indésirables dues à une concentration incorrecte, ou des complications systémiques qui mettent la vie du patient en danger.
  4. Erreur d’administration par injection intrathécale au lieu de la voie intraveineuse : L'injection intrathécale est une voie d'administration très spécifique, réservée à certains médicaments qui doivent agir directement sur le système nerveux central, en étant injectés dans l'espace autour de la moelle épinière. Injecter un médicament conçu pour une administration intraveineuse (dans une veine) par voie intrathécale est une erreur extrêmement grave qui peut provoquer des lésions neurologiques irréversibles (paralysie, atteinte sensorielle) ou entraîner le décès du patient. Les protocoles de vérification de la voie d'administration doivent être infaillibles.
  5. Erreur d’administration par injection parentérale au lieu de la voie orale ou entérale : L'administration d'un médicament par injection parentérale (par exemple, intraveineuse, intramusculaire, sous-cutanée) alors qu'il était destiné à être administré par voie orale ou entérale (par le tube digestif) est un Never Event. Les préparations et les posologies sont radicalement différentes entre ces voies. Une telle erreur peut entraîner des surdosages massifs et des effets toxiques systémiques, car le corps n'est pas préparé à absorber la substance aussi rapidement ou à des concentrations aussi élevées par la voie injectée.

Ces exemples illustrent la nécessité d'une rigueur absolue dans la manipulation des médicaments à risque et le respect strict des voies d'administration. Chaque erreur dans ce domaine peut avoir des conséquences irréversibles.

Les "Never Events" spécifiques : De la pédiatrie à l'anesthésie.

La liste des Never Events s'étend au-delà des erreurs médicamenteuses générales pour inclure des situations très spécifiques, souvent liées à des populations de patients vulnérables ou à des environnements de soins critiques comme le bloc opératoire.

  1. Surdosage en anticancéreux, notamment en pédiatrie : Les médicaments anticancéreux (chimiothérapie) sont des substances extrêmement puissantes. Leurs doses sont souvent calculées avec une précision infime, au milligramme près, en fonction de critères individualisés tels que le poids et la surface corporelle du patient. Cette précision est d'autant plus critique chez les enfants en pédiatrie, où les marges d'erreur sont quasiment inexistantes. Un surdosage, même minime, peut provoquer des effets toxiques gravissimes sur les organes vitaux et, dans les cas les plus tragiques, entraîner le décès du patient.
  2. Erreur de schéma d’administration du méthotrexate par voie orale ou sous cutanée (hors cancérologie) : Le méthotrexate est un médicament utilisé dans plusieurs indications. Hors du contexte de la cancérologie (où il est administré selon des schémas très différents), le méthotrexate est généralement administré une fois par semaine, et non quotidiennement. Une erreur de fréquence, menant à une administration quotidienne par exemple, peut entraîner une toxicité sévère, affectant la moelle osseuse, le foie ou les reins, et mettre la vie du patient en danger.
  3. Erreur d’administration d’insuline : L'insuline est un médicament essentiel pour la régulation de la glycémie chez les patients diabétiques, mais elle est classée parmi les médicaments à haut risque. Une erreur de dose (trop élevée), de type (confondre une insuline rapide avec une lente), ou de moment d'administration (par rapport aux repas) peut entraîner une hypoglycémie grave. Cette chute excessive du taux de sucre dans le sang peut provoquer des convulsions, des dommages neurologiques permanents et, dans les cas extrêmes, un coma, voire le décès.
  4. Erreur d’administration de médicaments utilisées en anesthésie ou réanimation au bloc opératoire : L'environnement du bloc opératoire et des services de réanimation est par nature un lieu de haute intensité où les erreurs peuvent avoir des conséquences immédiates. La confusion entre des médicaments anesthésiques, par exemple entre un curare (qui provoque une paralysie musculaire) et un anesthésique local, est un Never Event. Une telle confusion peut entraîner une paralysie inattendue, une dépression respiratoire mettant la vie en danger, ou, à l'inverse, une anesthésie insuffisante qui expose le patient à la douleur ou au réveil pendant l'opération.
  5. Erreur d’administration de gaz à usage médical : L'utilisation de gaz à usage médical est courante dans de nombreux contextes cliniques, mais une mauvaise identification des gaz est un risque majeur. L'administration de protoxyde d'azote à la place de l'oxygène, ou l'utilisation d'un mauvais gaz, peut entraîner une hypoxie (manque d'oxygène dans les tissus), des brûlures en cas de gaz inflammable, d'autres complications graves, ou même la mort du patient. La couleur des bouteilles et les systèmes de connexion sont standardisés pour minimiser ces risques, mais une vigilance constante reste nécessaire.
  6. Erreur de programmation des dispositifs d’administration (pompes à perfusion, seringues électriques...) : Les dispositifs électroniques tels que les pompes à perfusion ou les seringues électriques sont conçus pour administrer les médicaments avec une grande précision. Cependant, des erreurs dans leur programmation, notamment un paramétrage incorrect du débit ou de la dose, peuvent avoir des conséquences désastreuses. Ces erreurs peuvent entraîner des surdosages rapides et sévères, ou au contraire une administration insuffisante du médicament, compromettant l'efficacité du traitement et la sécurité du patient.
  7. Erreur lors de l’administration ou l’utilisation de petits conditionnements unidoses en matière plastique notamment à la maternité ou en pédiatrie. : Les petits conditionnements unidoses, souvent en matière plastique, sont fréquents en maternité et en pédiatrie pour des questions de dosage précis. Cependant, ces unidoses contiennent souvent des doses concentrées de médicaments. Une mauvaise utilisation, une confusion entre différents produits ou une erreur de calcul peut entraîner des surdosages accidentels chez des populations de patients particulièrement fragiles et sensibles, avec des conséquences potentiellement graves pour leur santé.

Ces Never Events soulignent la nécessité de protocoles robustes, d'une formation continue et d'une vigilance accrue, surtout dans des environnements à haut risque et pour des populations vulnérables.

Les "Never Events" et la gestion des substances à marge thérapeutique étroite.

Certains Never Events sont spécifiquement liés à des médicaments qui possèdent une marge thérapeutique étroite, c'est-à-dire que la différence entre la dose efficace et la dose toxique est très faible. Cela rend leur utilisation particulièrement risquée et exige une rigueur extrême.

  1. Surdosage en lidocaïne par voie intraveineuse : La lidocaïne est un anesthésique local largement utilisé, mais elle est également employée par voie intraveineuse pour traiter certaines arythmies cardiaques. Cependant, un surdosage en lidocaïne par voie intraveineuse peut provoquer des troubles cardiaques graves (comme des bradycardies ou des arrêts cardiaques) ou des troubles neurologiques sévères (convulsions, coma), en raison de son action directe sur les systèmes nerveux et cardiovasculaire.
  2. Erreur d’utilisation de la colchicine : non-respect des schémas posologiques et/ou des contre-indications, notamment en cas d’interactions médicamenteuses et d’insuffisance rénale ou hépatique : La colchicine est un médicament utilisé principalement pour traiter la goutte. Elle a une marge thérapeutique très étroite, ce qui signifie que de légers dépassements de dose peuvent entraîner une toxicité sévère. Non-respect des schémas posologiques, des contre-indications (comme une insuffisance rénale ou hépatique qui empêche le corps d'éliminer correctement le médicament) ou l'ignorance des interactions médicamenteuses (qui peuvent augmenter sa concentration dans le corps) peut causer une intoxication grave, potentiellement mortelle.
  3. Erreur d’utilisation de la méthadone : non prise en compte des contre-indications, des interactions médicamenteuses et surdosages : La méthadone est un opioïde puissant, utilisé pour la gestion de la douleur chronique sévère ou dans les programmes de sevrage aux opiacés. Sa puissance la rend particulièrement dangereuse en cas de mauvaise utilisation. Un dosage inapproprié, le non-respect des contre-indications (certaines maladies préexistantes), ou l'association avec des médicaments incompatibles (interactions médicamenteuses) peut provoquer une dépression respiratoire sévère, des troubles cardiaques graves (allongement de l'intervalle QT, arythmies) et entraîner un surdosage fatal.
  4. Mauvais usages de fluoropyrimidine : administration en l’absence de recherche pourtant obligatoire de déficit en dihydropyrimidine déshydrogénase (DPD) : Les fluoropyrimidines, telles que le 5-fluorouracile, sont des médicaments de chimiothérapie essentiels. Cependant, chez certains patients, un déficit génétique en dihydropyrimidine déshydrogénase (DPD), une enzyme clé dans le métabolisme de ces médicaments, peut entraîner une accumulation toxique de la substance. Une recherche préalable de ce déficit en DPD est donc obligatoire avant l'administration de ces médicaments. L'absence de ce dépistage et l'administration du traitement à un patient déficient peut entraîner une toxicité sévère, souvent mortelle, car le médicament n'est pas métabolisé correctement par l'organisme.

Ces exemples soulignent la complexité de l'administration médicamenteuse et l'importance de la connaissance des particularités pharmacologiques de chaque substance, ainsi que de l'état clinique et génétique du patient, pour prévenir des erreurs qui peuvent s'avérer fatales.

Stratégies de prévention des "Never Events" : Une approche globale et systémique.

La prévention des Never Events est un impératif éthique et une priorité opérationnelle pour tout système de santé. Elle ne peut être assurée par une seule mesure isolée, mais requiert une combinaison de mesures organisationnelles, techniques et humaines. Ces stratégies visent à créer des barrières de sécurité à chaque étape du processus de soins, réduisant ainsi la probabilité que des erreurs se produisent et atteignent le patient.

Voici les stratégies clés pour prévenir les Never Events :

  • Former les professionnels aux Never Events pour éviter au maximum les erreurs : La sensibilisation et l'éducation continue du personnel médical et soignant sont fondamentales. Cette formation doit inclure non seulement la connaissance des Never Events spécifiques et de leurs conséquences, mais aussi les protocoles de prévention associés, l'identification des situations à risque, et les meilleures pratiques pour éviter les erreurs. La formation doit être régulière et mise à jour pour refléter les évolutions des listes et des connaissances.
  • Mettre en place un système de double vérification des prescriptions pour limiter les erreurs de dosage sur les patients : La double vérification est une pratique essentielle. Elle implique qu'au moins deux professionnels de santé indépendants vérifient et valident la prescription, la préparation et l'administration des médicaments, en particulier ceux à haut risque. Ce processus permet de détecter les erreurs de dosage, les confusions de médicaments ou de patients, et les incompatibilités potentielles avant qu'elles n'atteignent le patient.
  • Établir des protocoles et procédures détaillées pour chaque Never Event sur la base de fiches explicatives : La standardisation est cruciale. Des protocoles clairs, écrits et accessibles, décrivant pas à pas les procédures pour la manipulation des médicaments à risque ou la réalisation d'actes délicats, réduisent la variabilité des pratiques et les risques d'erreurs. Ces fiches explicatives doivent être concises, précises et faciles à comprendre pour tout le personnel concerné.
  • Utiliser des check-lists avant l’administration des produits de santé pour ne passer à côté d’aucunes informations : Inspirées de l'aviation, les check-lists sont des outils simples mais extrêmement efficaces pour garantir que toutes les étapes critiques sont suivies et qu'aucune information essentielle n'est omise. Pour l'administration des produits de santé, il est possible d'utiliser la règle des 5B (bon patient, bon médicament, bonne dose, bonne voie, bonne heure) comme base pour une check-list complète et systématique.
  • Étiqueter clairement les seringues, les unidoses et les flacons : Une identification visuelle rapide et sans équivoque est primordiale pour éviter les confusions de médicaments. Des étiquettes claires, standardisées, avec des informations lisibles sur le nom du médicament, sa concentration, la date de préparation et de péremption, sont des barrières fondamentales contre les erreurs.
  • Diffuser des recommandations de bonnes pratiques claires sur les calculs de doses et les contre-indications : Les erreurs de calcul de doses sont une cause fréquente de Never Events, surtout pour les médicaments à marge thérapeutique étroite. La mise à disposition de recommandations claires, de tableaux de conversion ou de calculateurs de doses fiables est essentielle. De même, une diffusion large et systématique des contre-indications et des interactions médicamenteuses permet aux professionnels d'adapter le traitement à la situation spécifique de chaque patient.
  • Afficher la liste des Never Events dans les couloirs et les salles de transmissions : Une visibilité constante des Never Events sert de rappel permanent à la gravité des risques et à l'importance de la vigilance. Cette présence physique de la liste peut encourager le personnel à rester attentif aux situations à risque et à adopter les bonnes pratiques.
  • Promouvoir un environnement où les soignants peuvent signaler les erreurs sans crainte de sanction (charte de non-punition) : La culture de la sécurité est renforcée lorsque les professionnels se sentent en confiance pour signaler les erreurs, qu'elles soient avérées ou quasi-erreurs (situations qui auraient pu conduire à un Never Event). Une charte de non-punition, axée sur l'apprentissage et l'amélioration plutôt que sur la culpabilisation, encourage la déclaration, permettant ainsi d'identifier les défaillances systémiques et de prévenir leur répétition.
  • Analyser systématiquement les erreurs survenues pour en tirer des enseignements et éviter leur répétition : Chaque incident ou quasi-incident est une opportunité d'apprentissage. Une analyse approfondie des causes profondes, plutôt que de se limiter à l'erreur individuelle, est essentielle pour identifier les faiblesses systémiques et mettre en place des actions correctives efficaces. Ce processus d'analyse continue est le moteur de l'amélioration de la sécurité des patients.

Ces stratégies, combinées et appliquées avec rigueur, forment un bouclier robuste contre la survenue des Never Events, transformant les établissements de santé en environnements plus sûrs pour tous.

Le rôle des outils numériques dans l'optimisation de la prévention des "Never Events".

À l'ère numérique, la technologie offre des solutions puissantes pour renforcer la sécurité des patients et prévenir les Never Events. Le recours à un logiciel dédié est de plus en plus reconnu comme un moyen efficace de gestion des Never Events. Ces outils numériques ne sont pas seulement des bases de données ; ils sont des systèmes intégrés conçus pour anticiper les risques, rationaliser les processus et faciliter la prise de décision.

Voici comment un outil numérique peut optimiser la prévention des Never Events :

  • Anticipation et limitation des risques grâce à une cartographie des risques numérique : Un logiciel dédié permet d'élaborer une cartographie numérique des risques, offrant une vision claire des vulnérabilités potentielles au sein de l'établissement. Cette visualisation aide à identifier les zones à haut risque de Never Events, permettant ainsi de mettre en place des mesures préventives ciblées avant qu'un incident ne se produise.
  • Intégration des actions dans un plan global numérisé et notification des pilotes : Les actions correctives et préventives proposées pour réduire les Never Events peuvent être directement intégrées dans le plan d’action global numérisé de l'établissement. Les "pilotes" (personnes responsables de la mise en œuvre de ces actions) sont automatiquement notifiés, ce qui garantit un meilleur suivi et une exécution rapide des mesures nécessaires.
  • Suivi centralisé des formations et alertes de mise à jour : Le suivi de la formation des professionnels sur la prévention des Never Events peut être géré directement via l'outil numérique. De plus, des alertes automatiques peuvent être envoyées aux professionnels concernés lorsque leurs formations nécessitent une mise à jour ou un rappel, assurant que tout le personnel est constamment au fait des dernières recommandations et des meilleures pratiques.
  • Déclaration et analyse optimisée des événements indésirables : Les événements indésirables, notamment ceux liés aux Never Events, peuvent être déclarés et analysés directement sur l'outil. Cette centralisation offre une vision optimale de l'ensemble des incidents survenus, facilitant l'identification des tendances, des causes récurrentes et des domaines nécessitant une attention particulière pour une amélioration continue.
  • Centralisation des fiches pratiques via une Gestion Électronique Documentaire (GED) : Le logiciel peut inclure une Gestion Électronique Documentaire (GED) où sont centralisées des fiches pratiques expliquant chaque Never Event, les risques qui en découlent, et les protocoles de prévention associés. Cette GED est accessible à l'ensemble des professionnels, garantissant un accès rapide et facile aux informations vitales au point de soin, réduisant ainsi les risques liés à la méconnaissance ou à l'oubli des procédures.

En somme, les outils numériques ne sont pas de simples gadgets ; ils sont des leviers stratégiques pour transformer la gestion des risques en santé. Ils permettent d'anticiper les dangers, de centraliser les bonnes pratiques, et de garantir un suivi précis des incidents, favorisant ainsi une amélioration continue de la sécurité et une protection renforcée des patients. Leur intégration représente une avancée majeure dans la lutte contre les Never Events.

Les Never Events représentent un défi majeur pour la sécurité des patients dans le système de santé. Comme le démontrent les sources, ils résultent rarement d'une seule erreur isolée, mais plutôt de défaillances systémiques complexes, allant du manque de protocoles et de communication au surmenage du personnel. La liste des 16 Never Events, récemment mise à jour et diffusée par les Agences Régionales de Santé, souligne l'importance des médicaments à haut risque et des procédures délicates où la moindre erreur peut avoir des conséquences fatales.

Cependant, la prévention de ces événements est non seulement possible, mais impérative. Elle repose sur l'adoption d'une approche globale, combinant des mesures organisationnelles rigoureuses, des outils techniques fiables et une culture humaine axée sur l'apprentissage et la non-punition. La formation continue des professionnels, la mise en place de doubles vérifications, l'utilisation de check-lists et l'analyse systématique des incidents sont autant de piliers essentiels pour construire un environnement de soins plus sûr.

L'intégration d'outils numériques spécialisés joue également un rôle croissant et crucial dans cette démarche. En permettant la cartographie des risques, le suivi des actions, la gestion des formations et l'analyse centralisée des événements indésirables, la technologie offre des moyens puissants pour anticiper et réduire les risques. En investissant dans ces solutions et en adoptant une vigilance constante, les établissements de santé peuvent tendre vers l'objectif ultime : faire en sorte que les "Never Events" deviennent réellement des événements qui ne se produisent jamais, garantissant ainsi la meilleure protection possible pour chaque patient.

photo de l'auteur de l'article du blog de la safeteam academy
Frédéric MARTIN
Fondateur de la SafeTeam Academy
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