La sécurité des médicaments injectables — notamment par voie intraveineuse — reste une zone à fort risque dans les soins, malgré les progrès en termes de facteurs humains et d’ergonomie. Cet article met en lumière comment des systèmes mal conçus maintiennent des dangers persistants, et pourquoi l’approche systémique doit dépasser les seules injonctions à la vigilance.
1. Paradoxe de la sécurité — progrès vs. pratique réelle
Dans de nombreux domaines à haut risque (aviation, nucléaire), les principes des facteurs humains ont transformé la sécurité. La santé a adopté certaines de ces approches (check-lists, culture de retour d’expérience), mais la pratique médicamenteuse injectable reste un point faible structurel — notamment en anesthésie, urgences, soins intensifs et pédiatrie.
Sur la gestion du risque médicamenteux et les bonnes pratiques, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) propose des recommandations et actualités : https://www.ansm.sante.fr
2. Erreurs médicamenteuses : causes systémiques
Les erreurs de médicaments intraveineux ne sont pas simplement des fautes individuelles — elles reflètent des systèmes où :
- les conditionnements se ressemblent,
- les concentrations varient,
- les dispositifs de préparation sont mal standardisés.
Les facteurs humains montrent que la vigilance seule ne suffit pas : la conception du système doit réduire les opportunités d’erreur.
3. Standardisation et bonnes pratiques professionnelles
La standardisation des pratiques — dans le choix des produits, des concentrations, des étiquetages et des procédures — est un levier majeur mais encore insuffisamment appliqué.
Les sociétés savantes comme la Société Française d’Anesthésie et de Réanimation (SFAR) et la Société Française de Pharmacie Clinique (SFPC) produisent des recommandations professionnelles qui aident à structurer cette standardisation.
📌 SFAR (Société Française d’Anesthésie et de Réanimation) — recommandations en anesthésie et sécurité des pratiques : https://www.sfar.org
📌 SFPC (Société Française de Pharmacie Clinique) — recommandations en pharmacie clinique et sécurité médicamenteuse : https://www.sfpc.eu
Ces ressources offrent des guides méthodologiques, des formations et des consensus d’experts pour structurer la pratique et réduire les variations dangereuses.
4. Mythe de la vigilance
Les approches traditionnelles dans les structures de soins reposent encore trop souvent sur des messages comme « soyez plus vigilant(e) ». Dans les théories des facteurs humains, ce type d’injonction ne corrige pas les causes profondes : la charge cognitive, les interruptions, la fatigue et les contraintes organisationnelles rendent l’erreur statistiquement inévitable si le système n’a pas été conçu pour l’éviter.
5. Ready-to-Administer et réduction des erreurs
Une solution clé identifiée dans plusieurs études internationales est l’usage de médicaments prêts à l’administration (Ready-to-Administer), préparés industriellement pour réduire les étapes de préparation à risque.
Les données suggèrent que ces solutions :
- diminuent les erreurs de façon significative,
- réduisent les infections,
- allègent la charge soignante,
- peuvent réduire les coûts globaux liés aux erreurs.
Ce type d’approche systémique est au cœur des recommandations de bonnes pratiques que promeuvent la SFAR et la SFPC dans leurs publications.
6. Théorie vs. pratique prescrite
Beaucoup de procédures écrites ne reflètent pas ce qui se passe dans la pratique quotidienne. Il existe un grand écart entre travail prescrit et travail réel, qui favorise les contournements normaux et humains, mais dangereux. Une transformation des procédures, en tenant compte des contraintes réelles du terrain et des principes ergonomiques, est indispensable.
7. Vers une révolution culturelle
L’article plaide pour une révolution culturelle dans la sécurité des médicaments :
- intégrer les principes des facteurs humains dans la conception des systèmes ;
- renforcer la standardisation des pratiques ;
- promouvoir des dispositifs prêts à l’emploi ;
- valoriser les recommandations professionnelles robustes.
Cette transformation ne repose pas sur la culpabilisation des soignants, mais sur l’amélioration des systèmes — là où résident les opportunités réelles de réduction des erreurs et d’amélioration de la sécurité des patients.



