Journée Nationale des Soignants : hommage et reconnaissance d'un engagement exceptionnel
La France, à l'instar d'autres nations touchées par la pandémie de Covid-19, a vu émerger un fort désir de rendre hommage à ceux qui se sont trouvés en première ligne face à cette crise sanitaire sans précédent : les soignants. Parallèlement à cette reconnaissance du dévouement exceptionnel des professionnels de santé, une nécessité de commémorer la mémoire des nombreuses victimes de cette maladie s'est également fait sentir. C'est dans ce contexte qu'a germé l'idée d'une Journée Nationale d'Hommage aux Soignants et aux Victimes de la Covid-19, une proposition portée par diverses initiatives politiques et associatives depuis 2021. Cet article explore la genèse de cette proposition, les motivations profondes qui la sous-tendent, les différentes étapes de son parcours législatif, les initiatives similaires observées à l'étranger et les perspectives d'une officialisation en France.
Genèse de la proposition d'une journée nationale d'hommage
L'idée d'une journée nationale dédiée à la mémoire des victimes de la maladie à coronavirus 2019 (Covid-19) a pris forme dès mars 2021, sous l'impulsion de Lionel Petitpas, président de l'association Victimes du Covid-19. Face à la tragédie humaine et à la nécessité de reconnaître la souffrance endurée par les familles, M. Petitpas a sollicité à plusieurs reprises le président de la République, Emmanuel Macron. Le cabinet présidentiel a répondu favorablement à cette démarche le 4 mars 2021, indiquant que des réflexions étaient en cours à l'Élysée concernant l'instauration d'une telle journée, avec une date potentiellement fixée au 17 mars, jour marquant le début du premier confinement en France. Cette première étape témoignait d'une prise de conscience au plus haut niveau de l'État de l'importance d'un moment de recueillement national.

L'appel de la Fédération Hospitalière de France (FHF) pour les soignants
Parallèlement à l'initiative de l'association Victimes du Covid-19, le 17 mars 2021, une autre démarche significative a vu le jour. La Fédération hospitalière de France (FHF), avec le soutien de l'Institut Covid-19 Ad Memoriam, a lancé publiquement un appel vibrant à instaurer une journée nationale d'hommage spécifiquement dédiée aux soignants. La date proposée par la FHF n'était pas anodine : le 17 mars, anniversaire du premier confinement, revêtait une forte dimension symbolique. Frédéric Valletoux, alors président de la FHF, a présenté cette initiative à Emmanuel Macron, soulignant l'objectif de « valoriser l'engagement de nos soignants, qui ne s'est pas démenti depuis un an et est parti pour durer ». Au-delà de la reconnaissance, M. Valletoux percevait également une dimension politique à cette journée commémorative, souhaitant qu'elle devienne un moment annuel de débat sur l'état du système de santé, une question qu'il anticipait comme centrale lors de la campagne présidentielle. Cet appel de la FHF mettait en lumière le rôle essentiel et les sacrifices consentis par les professionnels de santé durant la crise.
Propositions de loi visant à officialiser la journée d'hommage
Suite à ces premières initiatives, le processus législatif s'est enclenché avec le dépôt de plusieurs propositions de loi visant à officialiser cette journée nationale d'hommage. Le mardi 4 mai 2021, lors de la XVe législature, une première proposition de loi fut déposée par Matthieu Orphelin, visant à établir une journée nationale d'hommage aux victimes. Bien que cette proposition n'ait pas abouti immédiatement, elle marquait une première tentative concrète de traduire le désir de commémoration dans le cadre législatif.
Le sujet a été repris lors de la XVIe législature. Le 4 avril 2023, Frédéric Valletoux, désormais élu député, a déposé une nouvelle proposition de loi. L'année 2025 a vu un regain d'intérêt pour cette idée, avec le dépôt de deux nouvelles propositions lors de la XVIIe législature. La première, déposée par Delphine Batho le 11 mars, visait à établir une « journée nationale d’hommage aux victimes du covid-19 et à partager la mémoire de la pandémie pour renforcer la résilience nationale ». Quelques jours plus tard, le 14 mars, Frédéric Valletoux a déposé une nouvelle proposition de loi « instituant une journée nationale d’hommage aux soignants et aux victimes du Covid-19 ». Cette dernière proposition, enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale sous le numéro 1119, et présentée par un large groupe de députés, souligne avec force la nécessité d'honorer conjointement les soignants et les victimes. L'exposé des motifs de cette proposition rappelle l'appel de la FHF et de l'Institut covid‑19 Ad Memoriam depuis 2021, insistant sur le fait que, cinq ans après le début de la pandémie, la France n'a toujours pas rendu un hommage national aux disparus.
Pourquoi une journée nationale d'hommage aux soignants et aux victimes ?
Les motivations derrière la proposition d'une Journée Nationale d'Hommage sont multiples et profondément ancrées dans les expériences et les leçons tirées de la pandémie de Covid-19.
- Reconnaissance du dévouement des professionnels de santé : La crise sanitaire a mis en lumière l'engagement sans faille, la résilience et la capacité d'adaptation extraordinaires des professionnels de santé. Confrontés à un virus inconnu et à des vagues épidémiques successives, ils ont su faire face à des conditions de travailExtrêmement difficiles, souvent au péril de leur propre santé. Plus de 97 000 soignants ont été touchés par la maladie, et 19 décès liés à l'infection à SARS-CoV-2 ont été recensés parmi eux entre mars et mi-décembre 2020. Instituer une journée nationale d'hommage serait une manière de reconnaître officiellement leur rôle de « bouclier sanitaire des Français ».
- Honorer la mémoire des victimes : La pandémie a causé un bilan humain déchirant, avec plus de 170 000 décès du covid-19 en France. De nombreuses familles n'ont pas pu accompagner leurs proches en fin de vie ni organiser de cérémonies funéraires dignes de ce nom en raison des restrictions sanitaires. Beaucoup de patients sont décédés seuls, isolés dans les services de réanimation. Une journée d'hommage permettrait de rendre respect, dignité et reconnaissance aux défunts et à leurs proches, et de ne pas oublier ce lourd tribut.
- Importance du deuil collectif : La proposition de résolution souligne la souffrance psychologique des familles endeuillées et l'importance du processus de deuil dans la reconstruction morale de la nation face à la perte d'un proche. Un hommage national offrirait un cadre collectif pour le deuil, permettant aux citoyens de se rassembler dans la mémoire et la solidarité.
- Valoriser l'engagement et la résilience : Au-delà des décès, de nombreuses personnes souffrent encore des effets persistants du covid long, avec des symptômes invalidants qui impactent leur vie quotidienne. La mobilisation de l'ensemble des soignants, leur capacité à s'adapter et à innover face à l'urgence méritent une reconnaissance durable.
- Créer un moment de réflexion sur le système de santé : Comme le soulignait Frédéric Valletoux dès 2021, cette journée pourrait également devenir un moment annuel privilégié pour un débat national sur l'état du système de santé et les enjeux de la politique de santé.
Le 17 mars : une date symbolique pour la France
La date du 17 mars revient de manière récurrente dans les différentes initiatives et propositions de loi. Ce choix n'est pas fortuit : il s'agit de l'anniversaire du début du premier confinement en France en 2020. Cette date, marquante pour l'ensemble de la population, symbolise le basculement dans une période d'incertitude, de restrictions et de mobilisation collective face à la menace du virus. Choisir le 17 mars comme Journée Nationale d'Hommage permettrait ainsi de lier la mémoire de la crise sanitaire à un moment clé de son histoire, facilitant la remémoration et la réflexion sur les événements passés. La proposition de résolution déposée par Frédéric Valletoux en 2025 insiste d'ailleurs sur l'institution d'une journée nationale d'hommage tous les 17 mars, « en souvenir de la date du premier confinement en 2020 dans notre pays ».
Initiatives similaires à l'étranger : un élan mondial de commémoration
La France n'est pas le seul pays à avoir ressenti le besoin d'instituer une journée dédiée à la mémoire des victimes et/ou à la reconnaissance des efforts des soignants durant la pandémie. Plusieurs nations ont déjà officialisé de telles journées, témoignant d'une prise de conscience globale de l'impact durable de la Covid-19 :
- Argentine : A déclaré le 20 mars comme Journée de deuil national pour les victimes de la pandémie.
- Chili : Commémore le 21 mars comme Journée nationale de commémoration des personnes décédées des suites de la pandémie de Covid-19.
- Italie : Observe le 18 mars comme Journée nationale pour les victimes de la Covid-19.
- Québec (Canada) : A tenu une Journée de commémoration nationale en mémoire des victimes de la Covid-19 le 11 mars.
Ces exemples étrangers soulignent une tendance internationale à reconnaître et à commémorer les pertes et les sacrifices liés à la pandémie, renforçant l'idée de la pertinence d'une telle initiative en France.
Vers une officialisation en France : enjeux et perspectives
Malgré les multiples propositions de loi et le soutien exprimé par diverses organisations et personnalités politiques, la Journée Nationale d'Hommage aux Soignants et aux Victimes de la Covid-19 n'a pas encore été officiellement instituée en France. La proposition de résolution déposée en mars 2025 invite le Gouvernement à prendre les dispositions nécessaires à la mise en place de cette journée, fixée au 17 mars.
L'officialisation de cette journée représenterait une étape importante pour la mémoire collective du pays. Elle permettrait de créer un moment de convergence nationale pour honorer ceux qui ont perdu la vie, soutenir leurs familles endeuillées et exprimer la gratitude de la nation envers les professionnels de santé qui se sont engagés avec courage et abnégation. Un tel événement pourrait également contribuer à renforcer la cohésion sociale et à tirer les leçons de cette crise sanitaire majeure pour l'avenir du système de santé. Les enjeux résident désormais dans la volonté politique de traduire ces propositions en une décision gouvernementale et de définir les modalités concrètes de cette journée d'hommage.
Conclusion : un hommage nécessaire et attendu
La proposition d'une Journée Nationale d'Hommage aux Soignants et aux Victimes de la Covid-19 témoigne d'un besoin profond de reconnaissance et de commémoration face à une crise sanitaire qui a marqué durablement la France. Portée par des initiatives associatives et politiques, cette idée a progressé au fil des législatures, soulignant l'importance d'un moment national dédié à la mémoire des disparus et à la valorisation de l'engagement exceptionnel des professionnels de santé. À l'instar d'autres pays qui ont déjà franchi le pas, l'officialisation de cette journée le 17 mars pourrait constituer un acte fort de mémoire collective, de solidarité et de gratitude, essentiel pour la reconstruction et la résilience de la nation. L'attente d'une décision gouvernementale demeure vive, dans l'espoir de voir enfin se concrétiser cet hommage nécessaire et attendu.