L'expérience patient : la qualité des soins selon la HAS et de la transformation du système de santé
L'expérience patient est devenue une thématique incontournable dans le secteur de la santé, gagnant progressivement en importance ces dernières années. Elle est reconnue comme un levier fondamental pour l'amélioration continue de la qualité des soins et la transformation des organisations de santé. Cette approche met en lumière le vécu des personnes comme un indicateur clé de qualité, révélant des opportunités d'amélioration et impactant tous les pans de l'organisation, de l'architecture aux systèmes d'information, en passant par la communication et l'organisation elle-même. La Haute Autorité de Santé (HAS) a d'ailleurs significativement renforcé la priorité accordée à l'expérience patient dans son 6ème cycle de certification.
Définition et étendue de l'expérience patient
L'expérience patient peut être définie comme la perception que les patients ont de leur vécu tout au long de leur parcours de soins. Cette perception englobe ce qu'ils voient, pensent, entendent ou comprennent. Plus largement, elle correspond à l'ensemble des interactions et des situations vécues par une personne ou son entourage au cours de son parcours de santé. Il est précisé que le terme "patient" est entendu dans son sens le plus large, désignant toute personne bénéficiant d'une prise en charge dans un parcours ou un établissement, qu'il soit sanitaire ou médico-social. Cela inclut les patients d'établissements sanitaires et les personnes prises en charge en structure médico-sociale, souvent appelées "personnes accompagnées".
Cette notion va bien au-delà de la simple relation soignant-soigné, intégrant tout ce qui entoure le soin et ce que le patient perçoit. L'expérience patient est une approche centrée sur la subjectivité du patient, impliquant son vécu, son histoire de vie, ses attentes et ses émotions. Elle est une adaptation de la notion d'« expérience utilisateur » appliquée aux soins.
Plusieurs facteurs peuvent influencer cette perception :
- L'ensemble des personnes impliquées : les professionnels de santé ou non, les aidants, les proches ou les autres patients. La qualité des interactions humaines avec les professionnels est très importante.
- L'environnement de prise en charge : la configuration des lieux, le bruit, la lumière, les affichages, les dispositifs avec lesquels le patient interagit, le confort, l'hygiène, les équipements disponibles.
- Le soutien émotionnel et l'implication des proches.
- La clarté et la qualité de l'information reçue.
- La fluidité des démarches administratives.
- Le respect des choix du patient et de ses préférences.
- La coordination et la continuité des soins.
- La période avant, pendant et après une consultation ou une hospitalisation.
- L'histoire et la culture de chaque personne accueillie.
Il est important de distinguer l'expérience patient de la simple satisfaction ou des résultats perçus. Bien que la satisfaction soit reconnue comme essentielle dans l'appréciation de la qualité des soins, elle ne peut à elle seule couvrir toutes les dimensions de l'expérience, car elle reste subjective. L'expérience cherche à comprendre le vécu, ce qui s'est passé (ou pas), et ce que le patient a traversé émotionnellement, tandis que la satisfaction mesure si les attentes ont été comblées par rapport à des besoins identifiés. Les résultats perçus par le patient évaluent comment le patient comprend et ressent les effets des soins. C'est en combinant ces approches complémentaires que l'on obtient une vision fine et nuancée, utile pour l'amélioration continue. La Haute Autorité de Santé (HAS) souligne que la satisfaction du patient ne peut, à elle seule, correspondre à l'ensemble des dimensions de l'expérience patient, et qu'il est nécessaire de prendre en compte des éléments objectifs pour la comprendre et la mesurer. Pour bien se comprendre, il faut préciser si l'on parle des faits vécus, des avis et perceptions des faits vécus, ou des démarches entreprises.

Origines et évolution du concept en France et à l'international
Le concept d'expérience patient, bien que de plus en plus manié en France, trouve ses origines et ses pionniers dans les pays anglo-saxons. Le Beryl Institute, un établissement américain, est le premier à en avoir clairement posé les bases. Le Canada, les États-Unis et le Royaume-Uni ont été les premiers à constater que les patients détenaient des clés pour améliorer leur parcours de soins.
Des initiatives majeures ont vu le jour dans ces pays :
- La Cleveland Clinic aux États-Unis, avec sa politique "Patient First".
- Le Royaume-Uni a créé son "Expert Patient Program" en 2002, basé sur des études de l'université californienne de Stanford.
- Le système de santé canadien promeut l'engagement des patients à tous les niveaux depuis près de 20 ans, considérant le patient comme "un soignant et un partenaire à part entière", à l'image du "Montreal Model" de la Faculté de médecine de l'Université de Montréal pour les maladies chroniques.
Ces approches anglo-saxonnes partent du postulat que les soins classiques, caractérisés par une hiérarchie marquée entre patient et professionnel, peuvent négliger les attentes des patients. Des programmes comme le "Consumer Assessment of Healthcare Providers and Systems (CAHPS)" aux États-Unis, le "NHS Patient Survey Program" au Royaume-Uni, le "Système de déclaration de l’expérience des patients canadiens (SDEPC)", le "Consumer Quality Index" aux Pays-Bas, et le "Patient Experiences Questionnaire" en Norvège sont également des pionniers dans ce domaine.
En France, l'émergence de ce concept est plus récente, mais non nouvelle. Dès 2009, l'Université Pierre et Marie Curie a commencé à former et diplômer des patients via l'Université des Patients, permettant aux patients de valoriser l'expertise acquise au cours de leur vécu avec la maladie. En 2011, la Haute Autorité de Santé (HAS) a publié un premier rapport sur l'expérience patient, reconnaissant que le jugement des patients sur la qualité de leurs soins est "essentielle dans l'appréciation de la qualité des soins de santé". Cependant, la HAS a également souligné que la satisfaction seule ne suffit pas et qu'il faut intégrer des éléments objectifs.
La notion a continué son essor en France avec la création de l'Institut Français de l'Expérience Patient (IFEP) en 2016. Cet institut milite pour un "système de santé plus accueillant, plus à l'écoute, plus humain" et vise à développer la connaissance et la maîtrise de l'expérience patient par les professionnels, dans le but d'une amélioration globale du système de santé.
La HAS s'est pleinement emparée du sujet, diffusant ses préoccupations via des enquêtes (notamment e-Satis), des recommandations de bonnes pratiques et des indicateurs d'amélioration de la qualité dans les établissements médico-sociaux et sanitaires. La Haute Autorité de Santé a d'ailleurs renforcé de manière notable la priorité sur l'expérience patient dans son 6ème cycle de certification, introduisant un critère impératif, un critère avancé et quatre critères standard. Le renforcement de ces exigences est perçu comme une opportunité pour les patients, les professionnels et les établissements.
L'expérience patient comme indicateur clé de la qualité des soins selon la HAS
La prise en compte du point de vue du patient enrichit considérablement la démarche d'amélioration de la qualité des soins. Selon la Haute Autorité de Santé (HAS), "mesurer la qualité des soins est un prérequis pour définir les actions à mettre en œuvre et objectiver les progrès dans le but d'améliorer le service rendu aux patients", et cette démarche est "enrichie par la vision complémentaire des patients". Il existe un lien direct entre la prise en compte du point de vue du patient et l'amélioration de la qualité des soins prodigués. Ce concept relie clairement l'expérience patient à la démarche d'amélioration continue de la qualité.
La HAS a fait évoluer ses attentes et outils pour donner une place centrale au patient, les indicateurs d'expérience patient étant essentiels pour mesurer la qualité des établissements sanitaires et médico-sociaux.
Dans le cadre de la nouvelle certification HAS v2020 pour les établissements de santé, l'expérience patient est un axe majeur, visant à replacer le patient au cœur du parcours et à favoriser l'émergence d'un patient-partenaire, acteur de sa prise en charge pour améliorer l'efficacité des soins. Le chapitre 1 ("le patient") de cette certification intègre l'expérience patient dans quatre objectifs :
- 1.1 : Le patient est informé et son implication est recherchée (information, consentement, directives anticipées).
- 1.2 : Le patient est respecté (respect de la dignité, bientraitance).
- 1.3 : Les proches et/ou aidants sont associés à la mise en œuvre du projet de soins avec l'accord du patient.
- 1.4 : Les conditions de vie et de lien social du patient sont prises en compte dans le cadre de sa prise en charge.
Le chapitre 3 ("l'établissement") intègre également l'expérience patient dans un objectif et un critère :
- 3.2 : L'établissement favorise l'engagement des patients individuellement et collectivement.
- 3.7-02 : L'établissement prend en compte le point de vue du patient dans son programme d'amélioration de la qualité. Ce critère est même un critère impératif dans le 6ème cycle de certification de la HAS, où les experts visiteurs évalueront si la gouvernance soutient l'utilisation de questionnaires visant les résultats de soins évalués par les patients. Il est attendu des établissements qu'ils démontrent leur capacité à mettre en œuvre et à assurer la traçabilité des projets et actions qui prennent en compte les éléments recueillis auprès des patients.
Dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS), l'expérience patient est également un outil d'amélioration de la qualité des soins. La nouvelle évaluation HAS des ESSMS demande le respect de plusieurs critères liés à l'expérience patient, notamment :
- Critère 1.5.2 : La personne accompagnée est informée des suites données à ses demandes dans le cadre des instances collectives ou autres formes de participation.
- Critère 1.6.1 : La personne accompagnée est soutenue dans son expression, le partage de son expérience est favorisé et l'expression de ses préférences prise en compte.
- Critère 1.7.1 : La personne accompagnée peut exprimer son consentement éclairé grâce à une information claire et des moyens adaptés.
La HAS insiste sur la place centrale de la personne accompagnée dans la démarche qualité des ESSMS, notamment par le déploiement de la méthode de l'Accompagné Traceur, qui évalue la qualité de l'accompagnement via les regards croisés de la personne accompagnée et des professionnels.
L'expérience patient est complémentaire aux indicateurs plus conventionnels comme les enquêtes de satisfaction ou les données médico-administratives. Une expérience de soins positive est corrélée à un plus haut niveau d'adhésion au traitement, à de meilleurs résultats cliniques, à une meilleure sécurité des patients et à une moins grande utilisation des services.
Les bénéfices de l'amélioration de l'expérience patient
L'amélioration de l'expérience patient offre des avantages considérables, non seulement pour le patient lui-même, mais aussi pour les professionnels de santé et l'établissement dans son ensemble.
Pour les patients et leurs proches :
- Renforcement du sentiment de confiance et de considération : Les patients apprécient que l'on s'intéresse à la manière dont ils ont vécu leurs soins.
- Rôle plus actif dans leur propre prise en charge : Cela inclut la vigilance et l'adhésion au traitement, favorisant l'autonomie et la capacité à agir.
- Sentiment d'utilité et de valorisation : En s'exprimant, les patients contribuent à l'amélioration de l'ensemble du système, bénéficiant ainsi aux autres.
- Consolidation des relations : L'expression de l'expérience renforce les liens avec les équipes de soins et les proches aidants.
- Amélioration de la qualité des soins et de l'accompagnement : Les patients se sentent mieux écoutés et mieux soignés, leur parole étant légitimée.
- Meilleurs résultats cliniques et sécurité des patients : Une expérience positive est corrélée à une meilleure adhésion au traitement et à une plus grande sécurité.
Pour les professionnels et les équipes :
- Amélioration de la Qualité de Vie au Travail (QVT) : La démarche contribue à de meilleures conditions de travail en offrant un "espace d'expression et de participation", en redonnant du sens au travail et en remettant le soin au centre des préoccupations. Il existe un lien documenté entre la qualité des conditions de travail des professionnels et la qualité de leur travail.
- Connexion humaine renforcée avec les patients : Les équipes se sentent plus connectées aux patients en leur demandant leur vécu, ce qui est extrêmement instructif sur le plan humain.
- Reconnaissance et motivation : Les patients expriment spontanément beaucoup de choses positives, ce qui est très motivant pour les soignants.
- Amélioration des pratiques professionnelles : Les retours des patients permettent d'apprendre des choses à la fois sur le plan individuel (ce qui peut être fait mieux) et collectif (amélioration de l'organisation et de la coordination). Les faiblesses organisationnelles révélées par l'expérience patient peuvent refléter des besoins des professionnels.
- Accès à des informations précieuses : L'expérience patient révèle des "points d'ombre" sur l'organisation et le fonctionnement interne, notamment aux interfaces et dans la coordination entre équipes.
- Satisfaction au travail : La possibilité de contribuer à l'amélioration de l'expérience des futurs patients est une source de satisfaction.
- Renforcement de la confiance : Un rapport publié par l'IFEP a montré un écart de 20 points entre la perception des professionnels (71%) et celle des patients (51%) quant à la prise en compte de leur vécu, soulignant l'importance de renforcer cette écoute.
Pour les établissements et les organisations :
- Amélioration globale de la performance : La démarche d'expérience patient permet d'"identifier les opportunités d'amélioration des parcours de soins", de "s'inscrire dans une démarche d'amélioration continue" et de "favoriser la transversalité". Elle peut être un véritable levier de performance en révélant des axes d'amélioration qui étaient auparavant dans l'angle mort.
- Amélioration de l'image et de la confiance : Travailler sur l'expérience patient peut améliorer l'image de l'établissement et la confiance des patients dans le système.
- Mobilisation et attractivité des personnels : Gérer des équipes centrées sur ce qui importe aux yeux des patients rend l'établissement plus attractif.
- Identification des points de faiblesse : L'expérience patient permet de travailler sur l'amélioration du fonctionnement interne, des coordinations internes et des interfaces avec l'extérieur.
- Un enjeu stratégique et différenciant : Les patients peuvent choisir leurs établissements en fonction de l'expérience patient offerte.
- Redonner du sens et des valeurs aux soignants : Cela permet de réinterroger l'humain et le lien avec la personne derrière le malade.
- Renforcement du partenariat : Le patient devient partie prenante du système de santé.
En résumé, la démarche d'expérience patient est une approche qui utilise le vécu des personnes comme un indicateur de qualité et un révélateur d'opportunités d'amélioration. Elle peut impacter tous les domaines de l'organisation, comme l'architecture, les systèmes d'information, la communication et l'organisation elle-même, en faisant une démarche transversale et un levier de performance.
Les quatre piliers fondamentaux de l'expérience patient
Pour que la démarche d'expérience patient remplisse pleinement son rôle de levier de performance et d'amélioration, il est clé de respecter quatre piliers fondamentaux. Ces piliers sont présentés par l'ANAP (Agence Nationale de la Performance sanitaire et médico-sociale) dans son guide "Expérience Patient et Usager":
- Pilier 1 : Adopter une posture d'écoute et non d'audit pour s'intéresser au vécu.
- Il s'agit de s'intéresser à la perception qu'ont les patients des résultats des soins, en veillant à ne pas juger les résultats curatifs de ces soins. Cela implique de porter un regard sans jugement et de valoriser les équipes.
- La philosophie du projet est de créer un état de confiance, d'être partenaire de confiance, sans dénoncer, et de se rapprocher pour faire ensemble. Il s'agit d'opérer un rapprochement et un équilibre des points de vue entre usagers et soignants.
- Pilier 2 : Prendre en compte la dynamique temporelle de ce vécu en s'intéressant à tous les temps qui construisent le parcours.
- Il est recommandé de prendre en compte l'expérience du patient dans le temps, sous le prisme de l'ensemble des étapes vécues. Cela signifie explorer des moments se déroulant tout au long du parcours, comme les "compte en banque émotif" (moments positifs et négatifs).
- L'expérience est cumulative car elle permet d'explorer des moments qui se passent tout au long du parcours, et elle est intégrative car le patient est souvent le seul à voir l'expérience de bout en bout, permettant de reconstituer ce qui est morcelé et cloisonné dans différentes équipes. Les moments clés incluent les premières 24 heures après la sortie ou l'arrivée, et le premier contact avec le personnel.
- Pilier 3 : Prendre en compte tous les éléments qui influencent l'expérience.
- Le patient et son expérience sont influencés par les personnes impliquées (proches ou professionnels) et par l'environnement de la prise en charge. Il convient donc de considérer ces dimensions.
- Pilier 4 : Prendre en compte, au-delà de la satisfaction seule, toutes les facettes qui constituent l'expérience.
- Ces facettes peuvent être subjectives (sujettes à interprétation personnelle, comme un temps d'attente ou une douleur) ou objectives (mesurables ou observables, comme la présence d'un équipement ou un horodatage).
Ces piliers guident la démarche pour capter et analyser la richesse du vécu patient, permettant des améliorations concrètes et significatives.

Méthodes et outils pour recueillir et mesurer l'expérience patient
Pour améliorer l'expérience patient, il est indispensable de savoir l'écouter et la mesurer. Il faut s'organiser pour activement rechercher cette expérience, car les patients la partagent majoritairement dans leur cercle privé et pas suffisamment avec les professionnels. Il est important de faire comprendre aux patients que partager leur expérience est un service qu'ils rendent, ce qui peut faire progresser les prises en charge.
Trois dimensions complémentaires sont utilisées pour mesurer l'expérience :
- La satisfaction : Mesure si les attentes du patient ont été comblées par rapport à des besoins identifiés, souvent via des questionnaires de satisfaction.
- Le vécu : Ce que le patient a perçu ou ressenti, ce qui s'est passé ou non, et ce qu'il a traversé émotionnellement. Ceci est mesuré par les PREMs, les observations et les entretiens.
- Le résultat perçu par le patient : Évalue comment le patient comprend et ressent les effets des soins qui lui ont été dispensés, via les PROMs.
En combinant ces approches, on obtient une vision fine et nuancée, utile pour l'amélioration continue des pratiques.
Plusieurs outils et méthodes sont à disposition pour mesurer et recueillir l'expérience patient :
- Indicateurs nationaux et internationaux :
- e-Satis : Le dispositif national de mesure en continu de la satisfaction et de l'expérience des patients en établissement de santé, déployé par la HAS depuis 2016. Il inclut des questions sur l'accueil, la prise en charge (information, délais d'attente, respect intimité/confidentialité, gestion douleur), la chambre et les repas, et l'organisation de la sortie.
- PREMs (Patient-Reported Experience Measures) : Interrogent l'expérience des soins vécue par le patient (satisfaction, information reçue, attention à la douleur, délais d'attente, relations avec prestataires).
- PROMs (Patient-Reported Outcomes Measures) : Évaluent les résultats des soins du point de vue du patient. Ces deux outils sont promus par la HAS car ils favorisent la participation des usagers à l'amélioration de leur parcours de soins.
- Méthodes qualitatives et narratives :
- Observation : Permet de capter le vécu directement.
- Méthode narrative (récit d'expérience) : Organiser des occasions de collecter le récit des patients sur leur vécu des soins est très important et instructif pour les équipes. Les patients en sont reconnaissants. Il s'agit de laisser le patient raconter, partager ses émotions et des faits, pour un échange et un dialogue. Le "Journal d'Expérience" peut être un guide pour accompagner le patient.
- Focus groups : Permettent de recueillir des informations qualitatives auprès de groupes de patients.
- Méthode Shadowing : Consiste à suivre un patient dans son parcours pour observer son expérience.
- Patient mystère : Implique l'utilisation d'un patient "incognito" pour évaluer la qualité des services.
- Autres approches basées sur l'implication des patients :
- Le patient ressource / patient expert : Des patients qui, à partir de 2009, ont développé des compétences (savoirs, savoir-faire, savoir-être) au cours de leur vécu avec la maladie, les transformant en expertise. Ils peuvent devenir partenaires des soins et faire bouger les lignes de partage du savoir.
- Le pair aidant : Notamment en psychiatrie, des patients aident d'autres patients grâce à leur expérience vécue. Des "patients partenaires" sont déjà très actifs dans des établissements, travaillant avec des associations de patients et participant à des activités de sensibilisation.
- Le patient traceur (méthode HAS, nov. 2014) : Analyse rétrospectivement la qualité et la sécurité de la prise en charge d'un patient tout au long de son parcours, les interfaces et la collaboration interprofessionnelle, et prend en compte l'expérience du patient et de ses proches via un entretien d'environ 30 minutes. Cette méthode vise à identifier et mettre en œuvre des actions d'amélioration.
Pour une mise en œuvre efficace, il est essentiel de piloter l'amélioration de l'expérience patient avec une solution complète de gestion de la qualité, permettant de suivre les indicateurs, de construire des plans d'action et de déployer la démarche d'amélioration. Une méthode structurée en trois temps est proposée : la préparation (équipe volontaire, sélection du patient, guide d'accompagnement), la rencontre (échange en groupe), et le bilan (courrier de remerciement, synthèse écrite, actions flash et ciblées, retour au patient). Le choix du patient témoin est primordial : il doit être à l'aise, capable de s'exprimer, "banal" (sans lien privilégié avec l'équipe), avec une expérience généralement positive pour initier la démarche, et désireux d'améliorer et de partager.
La démarche de l'expérience patient : une approche transversale et co-construite
La démarche d'expérience patient est une approche transversale qui utilise le vécu des personnes comme un indicateur de qualité et un révélateur d'opportunités d'amélioration. Elle peut impacter tous les domaines de l'organisation : l'architecture, les systèmes d'information, la communication et l'organisation elle-même. Cela implique un changement de perspective dans la relation entre le professionnel de santé et le patient, passant d'une relation hiérarchique où le professionnel est porteur du savoir et de l'autorité, à une relation où patient et professionnel sont considérés comme égaux, chacun porteur d'un savoir différent et complémentaire. L'objectif est de construire un parcours de soins efficace et centré sur le patient, en l'associant à l'amélioration des soins.
La mobilisation de tous les acteurs est nécessaire pour cette dynamique. L'expérience patient implique l'ensemble des personnes concernées :
- Les professionnels de santé (médicaux et non-médicaux).
- Les aidants.
- Les proches.
- Les autres patients.
- Les représentants des usagers et les membres des Commissions des Usagers (CDU).
- Les patients partenaires.
L'implication des patients en tant qu'acteurs de leur parcours de soins et de la transformation du système de santé est un engagement clé. Les équipes de soins sont encouragées à "faire avec les personnes".
La gouvernance joue un rôle essentiel dans le succès de cette démarche. Le soutien de la direction générale est fondamental. Des groupes comme Vivalto Santé ont inscrit le patient au cœur de leur raison d'être et de leur gouvernance. Ils ont mis en place un comité stratégique de l'expérience patient au niveau national, intégrant le directeur général, le directeur des opérations, des patients partenaires (ressources et pairs-aidants), des praticiens (chirurgien, anesthésiste, gériatre), des profils opérationnels (infirmier, brancardier, cadre de soins, référent expérience établissement, directeur général de territoire) et des directeurs fonctionnels (médical, soins, qualité, performance, RH, communication, expérience patient). Ce comité se réunit quatre fois par an pour partager les résultats des mesures, décider des actions, orienter la feuille de route stratégique, suivre la mise en œuvre et valoriser les actions. Des comités opérationnels sont également déployés au niveau des établissements. La voix des patients est ainsi intégrée comme une "boussole" dans toutes les décisions.
La symétrie des attentions est un principe important : l'expérience patient est indissociable de l'expérience des professionnels, car ce que vivent les soignants influence directement ce que vivent les patients. Des programmes de qualité de vie au travail sont poursuivis pour assurer que les collaborateurs et praticiens soient respectés et heureux.
La formation et la sensibilisation des équipes sont des leviers majeurs pour l'amélioration. L'expérience patient est un concept encore peu connu en France, et le manque de formation des équipes est un frein. Former tous les professionnels (pas seulement de santé) et les praticiens libéraux est essentiel, car tous les métiers autour du patient sont concernés. Des modules de formation peuvent être développés sur les outils existants (enquêtes, indicateurs, audits) et des programmes sur-mesure peuvent être co-construits.
Le déploiement d'une démarche d'expérience patient prend du temps, implique de former et d'impliquer les professionnels, et représente un changement de culture et d'approche. Elle nécessite de s'intéresser aux besoins et attentes des patients, à leurs avis, ressentis et idées d'amélioration, et au vécu des faits. La collecte de la voix du patient doit servir une stratégie, se traduire en actions et servir une vision, un objectif et des priorités clairement définies.
Défis et perspectives pour l'expérience patient
Malgré l'importance croissante de l'expérience patient, des défis subsistent. Le manque de formation des équipes est l'un des principaux freins à son amélioration, avec 51% des établissements de santé déclarant ne pas être engagés dans cette démarche selon le baromètre 2021 de l'IFEP. Le déploiement d'une telle démarche est un processus long qui implique un changement de culture et l'engagement de temps et de ressources pour la formation et l'implication de tous les professionnels. De plus, il existe un manque d'écoute et de reconnaissance de l'expérience des personnes concernées, et parfois une utilisation de l'expérience sans bénéfice réel pour elles, d'où la nécessité de clarifier son articulation avec l'engagement des usagers.
Cependant, les perspectives pour l'expérience patient sont prometteuses et essentielles pour l'avenir du système de santé.
- Intégration et reconnaissance accrue : La prise en compte de l'expérience patient progresse au sein des établissements. Les organisations comme l'IFEP s'efforcent de développer les connaissances, de former les équipes et de sensibiliser un large public à l'intérêt de ce sujet pour fédérer les équipes autour de l'amélioration du vécu des patients.
- Renforcement du partenariat patient : L'objectif est de replacer le patient au cœur du système de santé, de son parcours et de sa prise en charge dans toute sa singularité. L'intégration de la voix du patient dans la gouvernance des établissements est un tournant décisif, comme l'illustre la démarche de Vivalto Santé. Cette intégration permet de prendre des décisions éclairées et d'améliorer la qualité et la sécurité de la prise en charge.
- Développement d'outils et de méthodes : La construction et la mise à disposition d'outils de compréhension et d'amélioration de l'expérience patient se poursuivent. L'utilisation des PREMs et PROMs est encouragée pour la participation des usagers. La méthode narrative et le recueil structuré du vécu des patients sont des pratiques qui se développent.
- Amélioration continue : L'expérience patient est un levier d'amélioration continue. Les informations recueillies auprès des patients doivent servir une stratégie clairement définie et se traduire en actions concrètes.
- Sensibilisation et partage des bonnes pratiques : Des événements comme la "semaine de l'expérience patient" organisée par la FHP visent à créer un "effet d'entraînement dynamique" autour de cette thématique, par le partage de connaissances, de méthodes, d'outils et de bonnes pratiques issues des démarches existantes.
- Clarification des concepts : Le guide de la HAS "Expérience patient et savoir expérientiel" vise à clarifier ces notions et à reconnaître la parole qu'elles expriment (avis, perception, connaissance, savoir) pour susciter l'engagement et la collaboration.
L'expérience patient est une démarche progressive qui nécessite de "faire l'expérience de l'Expérience Patient". Elle est utilisée pour guider les efforts d'amélioration continue, mais aussi pour redonner du sens aux professionnels. En fin de compte, l'objectif est que ceux qui soignent soient soutenus par ceux qui sont soignés, renforçant ainsi le principe du partenariat. La reconnaissance et le partenariat sont des enjeux importants pour l'innovation et l'amélioration du système de santé, impliquant le partage du pouvoir de décision.