L'informatisation du circuit du médicament : un levier stratégique pour la qualité des soins et la rationalisation hospitalière
Le « circuit du médicament » au sein des établissements de santé représente un ensemble de processus complexes et interdépendants, essentiels à la prise en charge des patients. Son optimisation est un enjeu majeur, car elle vise simultanément à améliorer la qualité des soins et à rationaliser la logistique et l'économie des structures hospitalières. Face à cette complexité, l'informatisation de ce circuit est devenue une voie privilégiée pour moderniser les pratiques et garantir une meilleure sécurité pour les malades.
Historiquement, le circuit du médicament dans les hôpitaux et cliniques a fonctionné de manière hétérogène, soulevant souvent des questions quant à la qualité des soins, avec des analyses faisant état d'écarts allant jusqu'à 10 % ou 20 % entre la prescription et l'administration effective. La Direction de l’Hospitalisation et de l’Organisation des Soins (DHOS) du Ministère de l’Emploi et de la Solidarité a ainsi initié une étude approfondie pour favoriser une réflexion sur les bonnes pratiques en matière d'informatisation. Cette étude, basée sur la méthode de l'« analyse de la valeur », a eu pour objectif de mesurer les retours qualitatifs et quantitatifs attendus par les différents acteurs concernés, que l'informatisation soit totale ou partielle. Le présent article explore les concepts clés, les enjeux économiques, les types de projets envisageables, leurs gains et leurs coûts, en s'appuyant sur les conclusions de cette étude fondamentale.
Le contexte et les enjeux de l'informatisation du circuit du médicament (Critère impératif HAS 3.6.2)
Le circuit du médicament englobe une multitude d'étapes : la prescription, son analyse et sa validation, la préparation, la livraison, la distribution et l'administration du médicament, ainsi que les commandes par la pharmacie, l'analyse de l'activité, et la gestion des périmés et des retraits de lots. Ces processus nécessitent des systèmes d'information hospitaliers interopérables et communicants pour une coopération efficace.
L'informatisation de ce circuit est bien plus qu'une simple automatisation de procédures existantes. Elle implique une réflexion indispensable sur les organisations à mettre en place. Depuis environ cinq ans avant la publication de cette étude (Mai 2001), des équipes pluridisciplinaires — composées de directeurs d’hôpital, médecins, pharmaciens, soignants et informaticiens — se sont attelées à définir les conditions de réussite de cette informatisation, notamment en formulant des recommandations pour l'adaptation des systèmes d'information hospitaliers. L'objectif était de disposer d'éléments concrets et chiffrés pour éclairer les décideurs sur les coûts et les gains envisagés.
Le rapport issu de cette étude est destiné aux chefs d’établissements, responsables de systèmes d’information, médecins prescripteurs, pharmaciens hospitaliers et soignants. Il se veut un outil utile pour initier une réflexion sur les objectifs et les modalités de l'informatisation, offrant une approche méthodologique originale sur le retour sur investissement de cette démarche, dont la finalité principale est d'assurer la sécurité des malades.
La méthode de l'analyse de la valeur
L'étude s'est appuyée sur la méthode de l'« analyse de la valeur », une technique fréquemment utilisée dans l'industrie pour le renouvellement de produits ou services, et qui a été adaptée aux processus administratifs et logiciels. Selon la norme X50.150, l'analyse de la valeur est une méthode de compétitivité, organisée et créative, visant la satisfaction du besoin de l'utilisateur par une démarche spécifique de conception à la fois fonctionnelle, économique et pluridisciplinaire. Elle est utilisée pour aider à imaginer et à choisir des solutions, avec une double finalité.
La démarche est :
- Fonctionnelle : Elle exprime l'action d'un produit ou de ses composants en termes de finalité, sans référence aux solutions.
- Économique : Elle nécessite des grandeurs numériques pour apprécier quantitativement la « valeur ». La valeur est un jugement sur le produit basé sur les attentes de l'utilisateur, croissant avec la satisfaction du besoin ou la diminution des dépenses.
- Pluridisciplinaire : Elle s'appuie sur des groupes de travail incluant des services opérationnels, des animateurs spécialisés et des décideurs.
Les travaux de l'étude ont été menés avec l'implication active de trois établissements (un centre hospitalier universitaire, un centre hospitalier général et un centre hospitalier spécialisé en psychiatrie). Un groupe de travail pluridisciplinaire, incluant des directeurs, personnels administratifs, informaticiens, médecins, pharmaciens et soignants, a été mobilisé.
La démarche de travail s'est déroulée en trois phases:
- Phase 1 : Identification des fonctions, des paliers et des enjeux.
- Phase 2 : Assemblage et analyse des solutions.
- Phase 3 : Synthèse des enseignements à tirer.
Un référentiel de fonctions détaillé a été utilisé lors de ces travaux pour structurer l'analyse.
Comprendre le circuit du médicament : flux physique et flux d'information
Pour une compréhension exhaustive, il est important de distinguer deux circuits principaux au sein du processus du médicament:
- Le circuit physique du médicament : Il s'agit du « flux matière », c'est-à-dire le déplacement concret du médicament. Il comprend trois grandes étapes :
- La livraison des médicaments commandés à la pharmacie et leur stockage.
- La dispensation des médicaments dans les services, incluant la préparation et le transport.
- L'administration des médicaments aux patients, avec la gestion des retours de médicaments non administrés.Le circuit physique connaît deux grandes variantes : la distribution globale (de la pharmacie vers les services) et la dispensation nominative.
- Le circuit d'information de gestion du médicament : Il concerne la manière dont les informations circulent autour du flux physique. Le système d'information se décompose en deux sous-systèmes, relativement indépendants, avec une interface potentielle entre eux:
- Un système centré sur les commandes et le stockage des médicaments de la pharmacie, souvent lié au système de gestion économique et financière (GEF) de l'hôpital.
- Un système centré sur la gestion des prescriptions et le circuit du médicament entre la pharmacie et les services, utilisant un produit spécialisé ou un outil de gestion des unités de soins.
Il est important de clarifier la terminologie:
- La dispensation est définie comme l'ensemble des tâches incluant l'analyse, la validation, la préparation et l'acheminement des médicaments.
- La distribution ne couvre que les phases physiques de préparation et d'acheminement des médicaments.Un point clé est que la dispensation n'est envisageable qu'à la condition de connaître les informations des prescriptions. Alors que la distribution peut être globalisée ou nominative, la dispensation, si elle est nominative, implique très probablement la connaissance des prescriptions.
Les enjeux économiques de l'informatisation
L'informatisation du circuit du médicament génère des dépenses initiales (licences logicielles, matériel, réseau, prestations, formation, paramétrage, maintenance). En contrepartie, elle est censée apporter des améliorations, certaines étant « qualitatives » et d'autres « quantitatives » (ou « enjeux économiques ») car elles peuvent être chiffrées.
L'étude a identifié trois grandes natures d'enjeux économiques:
- Le gain de temps, ou gain de productivité, par l’efficacité dans le traitement et la manipulation de l’information.Ces gains concernent plusieurs populations :
- Les personnels de la pharmacie : Notamment grâce au calcul des interactions médicamenteuses. Sans système informatisé, le contrôle exhaustif de ces interactions serait quasiment impossible, nécessitant l'équivalent de plusieurs pharmaciens à temps plein dans chaque hôpital.
- Les prescripteurs : Les projets basés sur la saisie de la prescription par les prescripteurs peuvent leur demander un investissement initial en temps, mais certaines fonctions du système sont susceptibles de leur en faire regagner par la suite.
- Les infirmières : Grâce à la suppression des recopies et à la disponibilité continue d'informations claires et complètes, elles gagnent du temps dans l'administration des médicaments.
- Jusqu'à 50 % du temps des infirmières dans des services non informatisés est consacré à des tâches de traitement et manipulation de l'information.
- Chaque prescripteur consacre entre 30 minutes et 1 heure par jour à la prescription de médicaments.
- Dans une unité de soins de 20 lits, la préparation des médicaments peut représenter jusqu'à deux heures par jour pour une équipe de deux infirmières.
- Dans un hôpital de 500 lits en dispensation individuelle, le transfert de charge de travail des infirmières vers les préparateurs de pharmacie peut représenter 15 à 25 Équivalents Temps Plein (ETP).
- La diminution des dépenses de médicaments.Les projets d'informatisation peuvent contribuer à cette diminution de deux manières:
- En favorisant le recours à des formes moins onéreuses pour un volume de consommations similaire.
- En agissant sur le volume global de consommation de médicaments.Des baisses de dépenses de médicaments de l'ordre de 10 % à 20 % ont été observées selon les centres hospitaliers, les services et leur organisation initiale. Le principe majeur de cette réduction repose sur le fait de délivrer aux services les médicaments qu'ils ont effectivement prescrits, ce qui est rendu possible par la connaissance des prescriptions par la pharmacie, que ce soit par dispensation nominative (DJIN) ou distribution globalisée.
- Les conséquences économiques liées à la meilleure qualité du soin apporté au patient, par l’évitement des incidents et erreurs.Il est essentiel de distinguer les « erreurs de médication » (erreurs de prescription, retranscription, dispensation, administration) des « incidents médicamenteux » (événements indésirables résultant d'une erreur). Les systèmes informatiques visent à réduire les erreurs et, par conséquent, les incidents, soit en les interdisant, soit en les interceptant avant qu'elles ne causent un événement indésirable. Les conséquences économiques sont liées aux incidents, non aux erreurs, bien que l'interception des erreurs génère une consommation de temps.Ce phénomène n'est ni nul ni négligeable : un rapport de l'Agence du médicament de 1997 indique que 10 % des patients hospitalisés présentent un effet médicamenteux indésirable, dont un tiers est grave (décès, menace vitale, prolongation d'hospitalisation). Les conséquences économiques des incidents graves incluent des jours d'hospitalisation supplémentaires, des examens complémentaires, des séjours en réanimation, une surconsommation de médicaments et des journées de travail perdues pour le patient.Des études ont chiffré le coût moyen d'un incident médicamenteux grave entre 2 000 et 2 500 dollars (14 000 à 18 000 F) aux États-Unis, et jusqu'à 50 000 F pour les cas traités en soins intensifs en France. Une étude en gastro-entérologie chez des patients de plus de 65 ans a montré un coût moyen de 20 602 F par patient pour une intoxication médicamenteuse, dont 12,6 % dus à des interactions. Ces chiffres sont des minimaux car ils ne tiennent pas compte des séquelles à vie.
L'étude a appliqué ces concepts à un hôpital fictif de 800 lits (dont 500 de court séjour), avec un budget de 500 MF/an et une masse salariale de 350 MF/an. Les ordres de grandeur des enjeux économiques annuels sont les suivants:
- Temps consacré au circuit du médicament : Environ 10 % de l'énergie de l'hôpital est dédiée à ces tâches, soit un enjeu de 35 MF/an.
- Dépenses de médicaments : Elles représentent environ 6 % du budget, soit 30 MF/an.
- Conséquences des incidents graves : Pour 25 000 entrées par an, environ 500 incidents surviennent, dont 167 graves (1/3 des incidents). L'enjeu économique est estimé entre 1,5 et 2 MF/an (sur la base de 10 000 F par incident grave évitable).
Pour évaluer l'enjeu économique global (E1, E2, E3), l'étude propose de recueillir des données spécifiques à chaque hôpital concernant l'activité (nombre de lits, journées, entrées, DMS, budget), le temps consacré au circuit du médicament par le personnel de la pharmacie, les prescripteurs et les infirmières (nombre de personnes, masses salariales, proportion du temps dédié), les dépenses de médicaments (budget d'achat, répartition), et les conséquences des incidents (pourcentage de patients affectés, gravité, coût moyen). Seule une partie de ces enjeux est susceptible d'être gagnée par un projet d'informatisation spécifique.
Les types de projets d'informatisation et leurs gains
L'étude classe les projets d'informatisation en différentes catégories, en fonction de leur périmètre et de leur sophistication, et détaille les gains spécifiques associés à chacun.
Projets autour de la gestion de la pharmacie (Projets P)
Ces projets se concentrent sur le cycle entre la gestion interne de la pharmacie et les fournisseurs extérieurs, incluant l'approvisionnement, la gestion des retraits de lots et la gestion des périmés.
- P1 : Renouvellement du système de gestion économique et financière (GEF) de l'hôpital.
- Enjeux économiques : Les gains majeurs ne sont pas intrinsèques à ce projet, sauf si le nouveau système offre des gains de productivité significatifs pour le personnel de la pharmacie ou des modules spécialisés très performants (discutés dans P4). Des économies sur les coûts de maintenance informatique peuvent aussi être observées.
- P2 : Gestion des retraits de lots.
- Enjeux économiques : Un gain de productivité est envisageable si la pharmacie peut alerter sélectivement les services concernés via une messagerie interne, sans avoir à gérer manuellement les numéros de lots (tâche fastidieuse).
- Valorisation des gains : L'évaluation se fait en mesurant la charge de travail nécessaire pour alerter tous les services vs. alerter sélectivement, et le temps gagné par l'absence de gestion des numéros de lots pour tous les médicaments.
- P3 : Gestion des périmés.
- Enjeux économiques : L'objectif est de diminuer le budget annuel des périmés, qui peut atteindre des dizaines de milliers de francs. L'informatisation de la gestion des dates de péremption est une voie, mais d'autres actions organisationnelles comme des stocks bas, une rotation rapide (FIFO), et l'élimination des « stocks sauvages » dans les services sont également efficaces.
- P4 : Apport de fonctions complémentaires au système de GEF.
- Enjeux économiques : Ces projets apportent des gains de productivité pour le personnel de la pharmacie. Exemples :
- Lecteurs code-barres : Facilitent la gestion des entrées et sorties de stocks, l'inventaire.
- Préconisation de commandes : Le système calcule les niveaux de stock et propose des commandes dans le système GEF, réduisant le temps d'établissement et de saisie des commandes.
- Réception des factures par EDI (Échanges de Données Informatisées) : Évite la ressaisie manuelle des factures et accélère la liquidation.
- Enjeux économiques : Ces projets apportent des gains de productivité pour le personnel de la pharmacie. Exemples :
Projets sur le circuit entre la pharmacie et les services, sans logiciel de gestion de la prescription (Projets A)
Ces projets visent des améliorations sans disposer d'un logiciel dédié à la gestion des prescriptions.
- A1 : Projets à composante purement organisationnelle.
- Présentation : Refuser les prescriptions verbales, inciter à l'écriture lisible, créer des formulaires de prescription structurés et complets, élaborer un livret thérapeutique et des protocoles thérapeutiques hospitaliers, mettre en place des systèmes mécaniques de distribution (ascenseurs, valises téléguidées) et un système d'analyse systématique des incidents médicamenteux.
- Enjeux économiques : Ces projets agissent sur la diminution des dépenses de médicaments, l'amélioration de la qualité des soins (lisibilité, complétude) et les gains de temps. Bien que non directement liés à l'informatisation, ils peuvent être un préalable essentiel.
- A2 : Projets à composante informatique, mais sans gestion de la prescription.
- Présentation : Dactylographier les prescriptions avant signature, utiliser une messagerie interne entre pharmacie et prescripteurs, diffuser le livret thérapeutique et les bases de données sur les médicaments (Vidal, Thériaque) via le réseau hospitalier, et donner accès aux informations du patient (état civil, antécédents, allergies).
- Enjeux économiques : Les prescriptions dactylographiées évitent les erreurs d'interprétation et les gains de temps (plus besoin de déchiffrer ou de demander des confirmations). La messagerie fait gagner du temps sur les échanges d'informations. L'accès aux informations patient réduit la confusion et les erreurs.
- A3 : Mettre à disposition les bases de données sur les médicaments.
- Présentation : Mettre le Vidal ou Thériaque en ligne, accessible depuis tout poste connecté au réseau.
- Enjeux économiques :
- Gains de temps pour consulter l'information (plus besoin de se déplacer pour chercher un exemplaire papier).
- Économies d'acquisition des exemplaires papier.
- Bénéfice lié à la mise à jour constante des informations, réduisant les erreurs dues à des données obsolètes.
- Baisse des erreurs de prescription et d'administration car prescripteurs et infirmières ont accès en permanence à l'information à jour.
- Valorisation des gains : L'étude propose des formules pour estimer ces gains, combinant les économies d'achat (G1), les gains de temps (G2) et la réduction de l'iatrogénie (G3). L'information en ligne est le gain le plus important, même sans intégration directe dans un logiciel de prescription.
Projets avec saisie des prescriptions (Projets B)
Ces projets constituent un « palier » très important en matière d'informatisation, impliquant le déploiement d'un logiciel de gestion nominative de la prescription.
- B1 : Saisie centralisée des prescriptions à leur arrivée à la pharmacie.
- Présentation : Le logiciel est déployé uniquement à la pharmacie, où le personnel saisit les prescriptions reçues (papier, fax).
- Enjeux économiques :
- Connaissance des prescriptions par la pharmacie : Permet de dispenser les médicaments prescrits et de réduire visiblement les dépenses de médicaments.
- Calcul automatique des interactions médicamenteuses : Le logiciel peut effectuer des contrôles systématiques et exhaustifs des interactions, même en temps différé. Ce gain est considéré comme une injection de « très forte quantité de qualité de soins » plutôt qu'un gain de productivité, car un contrôle manuel exhaustif serait inenvisageable. Un tel contrôle équivaudrait à l'effort de 40 à 50 pharmaciens à temps plein pour un hôpital fictif.
- Inconvénients : Implique une re-saisie des prescriptions par le personnel de la pharmacie, une charge de travail considérable (estimée à 7 opérateurs de saisie pour un hôpital de 500 lits). Le système ne garantit pas l'identification correcte du patient/prescripteur, n'offre pas de réactions en temps réel au prescripteur, et peut générer des erreurs de saisie.
- B2 : Saisie décentralisée des prescriptions dans les services (logiciel spécialisé).
- Présentation : Les prescripteurs élaborent et saisissent les prescriptions directement avec l'aide du système informatique, qui peut interagir en temps réel. La prescription parvient immédiatement à la pharmacie via le réseau.
- Enjeux économiques :
- Gains de temps et qualité de soins : Bien que la saisie puisse initialement prendre plus de temps que l'écriture manuscrite (120% à 150% du temps), les avantages l'emportent. Le prescripteur et le patient sont identifiés avec certitude, la prescription est complète et lisible, réduisant le temps perdu à déchiffrer ou à rechercher des informations manquantes. Les infirmières n'ont plus de recopiage à faire pour les plans d'administration. L'historique des prescriptions est accessible en ligne.
- Protocoles et raccourcis de saisie : Permettent de raccourcir considérablement le temps de saisie (réduction de 15% à 40% sur l'activité de saisie) en automatisant des prescriptions courantes.
- Récupération automatique des informations administratives : Économise 4 à 9 minutes par patient entrant.
- Ordonnances de sortie : Gains estimés de 15% à 20% du temps.
- Bilan des gains de temps : Un logiciel performant avec ces perfectionnements peut rendre la saisie plus rapide que le système manuscrit.
- Saisie en cours de visite (terminaux portables) : Contribue à l'adhésion des médecins et réduit le temps passé, bien que les coûts soient plus élevés.
- Diminution des dépenses de médicaments : Idem B1, réduction d'au moins 10% du budget des médicaments hospitaliers.
- Diminution des incidents médicamenteux (iatrogénie) : Jusqu'à 50 % des incidents iatrogènes médicamenteux peuvent être évitables avec le meilleur système informatique, dont environ la moitié avec un projet B2 ou B3. Cela inclut les gains liés aux contrôles systématiques des interactions.
- B3 : Saisie de la prescription dans un logiciel de gestion des unités de soins (SIH intégré).
- Enjeux économiques : Les avantages sont les mêmes que pour B2, avec des gains supplémentaires liés à l'intégration complète dans le Système d'Information Hospitalier (SIH). Cela évite les re-saisies ou copier-coller entre systèmes, multiples identifiants, et facilite la consolidation des plans de soins et des informations patient. Les gains de temps sont supérieurs en cas d'intégration réussie.

Variantes dans le mode de dispensation (Projets C)
Ces projets concernent l'organisation de la distribution des médicaments.
- C1 et C2 : Dispensation globale (par cumul des prescriptions ou réassort d'armoire). Ces variantes n'influencent pas les gains, sauf les projets C3 et C4.
- C3 : Dispensation nominative individuelle et cueillette individuelle par patient (« DJIN »).
- Enjeux économiques : La DJIN transfère une charge de travail importante des services (infirmières) vers la pharmacie (préparateurs), car les infirmières n'ont plus qu'à administrer les médicaments. Elle est coûteuse en personnel pour la pharmacie, mais le coût pour l'hôpital peut être vu comme un déplacement de charge. La DJIN nécessite des dispositifs d'acheminement automatiques pour gérer les urgences.
- C4 : Cueillette individuelle robotisée sur la base des prescriptions informatisées (« DJIN robotisée »).
- Enjeux économiques : Le robot stocke et prépare la distribution en fonction des prescriptions informatisées, réduisant la charge de travail de préparation à la pharmacie par rapport à la DJIN manuelle. Bien que le recul soit limité en France (expérimentations en cours), ces systèmes peuvent automatiser une partie des tâches de préparation (ex: 50% du temps pour les formes traitées) et limiter l'augmentation des effectifs à la pharmacie due à l'adoption de la DJIN. L'impact est estimé à une personne ETP tous les 60 à 80 lits d'aigus.
Variantes correspondant à des perfectionnements du système de base (Projets D)
Ces projets consistent à déployer des fonctions supplémentaires, qui ne seraient pas envisageables sans une gestion informatisée de la prescription. Ils se regroupent en plusieurs familles:
- Interfaces avec le reste du SIH (serveur d'identité patient, gestion des habilitations par le système du personnel, gestion des stocks). L'interface de récupération de l'identité des patients est très importante pour éviter des erreurs lourdes de conséquences.
- Perfectionnements logiciels par traitements automatisés, alertes, algorithmes plus poussés (contrôles obligatoires de prescription, commentaires types, protocoles intégrés, affichage du coût de prescription, contrôles réglementaires, blocage d'édition si ordonnance non validée par pharmacien, alertes d'administration, etc.).
- Valorisation de la prescription : Afficher le coût journalier ou proposer des produits comparables moins chers peut sensibiliser les prescripteurs et réduire les dépenses de médicaments (gain potentiel de 1% du budget médicament).
- Perfectionnements par un plus grand nombre de données disponibles et manipulées (base de données du médicament intégrée, historique des prescriptions, suivi de l'administration effective et des effets des médicaments).
- Suivi de l'Administration effective des médicaments : Permet de signaler les médicaments non administrés, d'ajuster les stocks, mais impose une charge de saisie aux infirmières. Les armoires pilotées par le système de prescription (ouvrant les tiroirs en fonction du patient/médicament/soignant) renforcent le lien prescription-administration et peuvent améliorer la sécurité et la qualité des soins.
- Suivi des effets des médicaments : Saisir les effets observés, notamment indésirables, facilite les études épidémiologiques et peut agir sur les dépenses et les incidents. Plus plausible dans un projet B3 intégré.
- Accès et disponibilité de l'outil (saisie/consultation sur terminaux mobiles, postes fixes nombreux, accès temps réel pour la pharmacie, etc.).
Les coûts des projets d'informatisation
Les coûts de chaque projet informatique se divisent en charges d'investissement et de fonctionnement. Les investissements incluent les licences logicielles, l'acquisition de matériel (postes de travail, serveurs, réseau), la formation des utilisateurs, les prestations d'intégration (paramétrage, reprise de données, assistance au démarrage, interfaces), et les charges de maîtrise d'ouvrage (recette, conduite de projet, coordination). Les charges de fonctionnement couvrent l'exploitation, la maintenance matérielle et applicative.
- Projets centrés sur la gestion de la pharmacie (P1, P2, P3, P4) :
- P1 (GEF) : Le coût est souvent un prorata du financement global du renouvellement du SIH de l'hôpital.
- P2 (Retraits de lots) : Pas de coût si la gestion ne repose pas sur les numéros de lots; sinon, dépend de l'acquisition de modules logiciels spécifiques.
- P3 (Périmés) : Principalement des actions organisationnelles, pas de coût informatique particulier.
- P4 (Améliorations GEF) : Les coûts des modules EDI et code-barres sont liés à des modules matériels et logiciels spécifiques, ce qui peut rendre leur rentabilisation plus difficile. L'EDI sur Internet est une piste à explorer. Le coût de la préconisation de commandes dépend de la disponibilité du module et des efforts de paramétrage/formation.
- Projets sans logiciel de gestion des prescriptions (A1, A2, A3) :
- A1 (Organisationnel) : Coûts limités à la charge de travail pour la mise en œuvre des actions d'organisation.
- A2 (Informatique sans prescription) : Si l'hôpital n'a pas de réseau informatique, le déploiement de micros dans toutes les unités de soins rend le projet difficilement « rentable ». Si le réseau existe, les coûts se limitent aux licences logicielles et à la conduite de projet.
- A3 (Bases de données médicaments) : Coûts liés à l'acquisition de licences logicielles pour la base de données et sa diffusion sur l'Intranet. L'importance en matière de santé publique justifie ces coûts.
- Projets avec saisie des prescriptions (B1, B2, B3) :
- B1 (Saisie à la pharmacie) : Coûts limités au déploiement à la pharmacie. Pour un hôpital fictif, la licence logicielle pourrait être entre 300 et 400 KF, un serveur dédié entre 200 et 300 KF, avec des coûts pour l'intégration et la formation. Les coûts de fonctionnement sont estimés à 12 % des coûts d'investissement. Un coût important et spécifique à B1 est celui des agents supplémentaires nécessaires à la pharmacie pour la saisie en masse des prescriptions.
- B2 et B3 (Saisie dans les services) : Les coûts sont divisés entre ceux directement imputables à la gestion des prescriptions et ceux imputables au déploiement général du SIH. Le matériel (micros, réseau) dans les unités de soins est un poste de dépense majeur si non déjà en place (700 KF à 1 MF pour 30 à 50 micros). Le coût de licence logicielle est comparable à B1. Les prestations d'intégration et la formation sont significatives mais sont justifiées par les gains annuels. Les retours sur investissement peuvent être inférieurs à un an si l'hôpital est déjà doté d'un réseau. Pour un projet B3 (intégré au SIH), les coûts matériels sont partagés avec d'autres projets du SIH, ce qui est plus avantageux.
- Variantes dans le mode de dispensation (C3, C4) :
- C3 (DJIN) : N'est pas un coût à proprement parler, mais un déplacement de charge de travail des services vers la pharmacie. Des artifices budgétaires peuvent être utilisés pour imputer ces coûts aux services de soins.
- C4 (Robot de conditionnement unitaire) : Coûts élevés (plusieurs millions de francs) car il s'agit de matériels spécifiques et complexes, bien que potentiellement rentables en évitant le transfert total de charge vers la pharmacie. Ces coûts sont entièrement imputables aux projets de gestion de la prescription.
- Perfectionnements du système de base (Projets D) : Leur coût n'est généralement pas additionnel, mais lié à la licence du progiciel choisi et aux fonctionnalités qu'il inclut. Le choix doit être basé sur l'utilité des fonctions, les gains qu'elles apportent et le coût global du progiciel.
Synthèse des enseignements et recommandations clés
L'informatisation du circuit du médicament est une démarche essentielle pour les établissements de santé, avec des enjeux économiques et qualitatifs importants.
Les trois natures d'enjeux économiques sont le gain de temps (ou de productivité), la diminution des dépenses de médicaments, et l'amélioration de la qualité des soins par l'évitement des incidents et erreurs. S'y ajoutent les bénéfices liés au « pilotage » du circuit du médicament.
Un enseignement majeur est que les gains économiques les plus significatifs sont obtenus principalement grâce aux projets informatiques qui mettent en œuvre un logiciel de gestion des prescriptions. Les projets d'organisation ou les systèmes informatiques simples (Projets A) apportent des améliorations, mais leurs gains ne sont pas comparables en ordre de grandeur.
La saisie décentralisée des prescriptions par les prescripteurs dans les services (Projets B2 ou B3) est le principe préconisé. L'adhésion des prescripteurs à ce mode de fonctionnement est facilitée par des dispositifs logiciels qui allègent la saisie (raccourcis, protocoles) et par l'utilisation de matériels permettant la saisie en cours de visite (terminaux portables). Le mode de fonctionnement B1 (saisie a posteriori à la pharmacie) est moins recommandé car, bien que permettant la connaissance des prescriptions et le calcul des interactions, il génère des coûts de mise en œuvre similaires et des gains moindres, en plus de la lourde charge de re-saisie pour le personnel de la pharmacie.
En ce qui concerne les gains de productivité :
- Pour les prescripteurs, les projets B2/B3 n'apportent pas nécessairement des gains de productivité notables au départ, la saisie pouvant même prendre plus de temps. Cependant, à terme, grâce aux protocoles et raccourcis, la saisie informatisée peut devenir plus rapide que la méthode manuscrite. Surtout, les médecins sont moins sollicités pour des questions d'incomplétude ou d'interprétation, ce qui représente un avantage fort.
- Pour les personnels de la pharmacie, les gains les plus sensibles proviennent des fonctions liées à la gestion économique et financière (lecteurs code-barres, préconisation de commandes, EDI), qui sont souvent des projets indépendants. Les projets de gestion de prescription ne montrent pas de bénéfice direct tangible sur la productivité de la pharmacie, pouvant même augmenter la charge de travail (cas du B1) ou la déplacer (cas de la DJIN). Cependant, les apports considérables des fonctions de contrôle et de calcul des interactions médicamenteuses sont à souligner, même s'ils ne se traduisent pas en « gains de productivité » directs.
- Pour les infirmières, les améliorations les plus fortes proviennent de l'établissement automatique du plan d'administration des médicaments (PAM), de la disponibilité continue d'informations complètes et lisibles, et de l'accès en ligne aux informations génériques sur le médicament. Ces gains de productivité peuvent être très importants (jusqu'à 5 % à 10 % de la masse de la charge infirmière), mais sont souvent « dilués » et se traduisent par du temps dégagé pour des fonctions de soin direct au patient plutôt que par des économies budgétaires tangibles. Il est important de noter que chaque gain de temps pour le personnel soignant est généralement aussi une amélioration de la qualité des soins.
La diminution des dépenses de médicaments est principalement liée à la mise en relation entre la dispensation en service et les prescriptions, c'est-à-dire le fait de délivrer aux services uniquement les médicaments qu'ils ont prescrits. Ce principe, qu'il s'agisse de DJIN ou de distribution globale basée sur la connaissance des prescriptions, permet des réductions de l'ordre de 10% à 20%. D'autres fonctions contribuent également, mais dans des proportions moindres (affichage du coût, diminution des périmés, meilleure gestion des stocks).
Les gains liés à la meilleure qualité des soins et à l'évitement des incidents médicamenteux sont apportés par presque toutes les fonctions du système. Les plus contributives sont la complétude, l'exhaustivité et la lisibilité des prescriptions (B2/B3), les contrôles pharmacologiques systématiques (B1 et au-delà), et la mise en relation des informations patient avec les médicaments prescrits (B2, B3, D). L'étude estime que jusqu'à 50% des incidents iatrogènes médicamenteux sont évitables grâce à un système informatisé performant. Les systèmes perfectionnés (Projets D) offrent les paliers de performance les plus élevés. Ces fonctions améliorent également le confort de fonctionnement du personnel soignant et réduisent les facteurs de stress et d'erreurs.
Enfin, l'étude souligne que les investissements « logiciels » sont plus faciles à rentabiliser que les investissements « matériels » spécialisés, car le développement logiciel bénéficie à de multiples hôpitaux et acteurs simultanément. Les micros (fixes ou portables) sont indispensables pour la saisie des prescriptions. Les robots d'automatisation de la préparation, bien que coûteux, sont susceptibles de trouver leur rentabilité.
Pour l'avenir, il est recommandé de poursuivre les études et de développer des guides pour accompagner les hôpitaux dans leurs projets d'informatisation du circuit du médicament. Des questions comme la corrélation entre fonctions informatiques et types d'incidents évités, la priorisation du déploiement selon les disciplines médicales, ou l'optimisation du paramétrage des alertes nécessitent encore d'être approfondies par la communauté hospitalière.
Source :
https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/circuit1.pdf